Le système social scandinave étant un modèle avéré de bienséance et de réussite, envié de par le monde entier, le cinéma norvégien égratigne pourtant, au même titre que celui des nations environnantes, Suède, Danemark et autres, l’histoire même d’un pays qui se veut le symbole de l’innocence. A l’heure actuelle, soit 100 ans après les faits véridiques narrés dans l’œuvre de Marius Holst, Les révoltés de l’île du Diable, l’île de Bastøy, sise dans le fjord d’Oslo est bel et bien toujours un centre carcéral. En 1915, le centre était destiné à la jeunesse, forme inédite de camp de redressement pour mineurs administré d’une main de fer par l’élite sociale et catholique d’un pays modèle, d’apparence. Enfants de toute part, voleurs, violents ou simplement inadaptés à une société élitiste bien-pensante, se retrouve enfermé sur l’île, dans un centre ou l’on tentera de leurs inculquer la discipline par des travaux de ferme, forestiers et dans le respect d’une religion catholique d’une rare fermeté. Oui, mais le révolte d’une jeunesse abusée couve.
Le film de Marius Holt s’inscrit très clairement dans la droite ligne des œuvres majeures scandinaves, soit des œuvres glaciales, d’une noirceur toute particulière. Le propos est vif, sans fioritures scénaristiques, sans détour particulier. L’arrivée de deux nouveaux détenus mineurs sur l’île marque le début de l’histoire, témoignage d’une époque révolue, ou foncièrement, les choses n’étaient que très peu différentes de celles d’aujourd’hui. Inlassablement mis à mal, rabroué par leur gardien, maître ou directeur, ce dernier incarné par l’intraitable Stellan Skarsgard, les gosses bouillonnent et l’on se dirige invariablement vers l’explosion, la mutinerie. Tout est dans le synopsis. Ce qui intéresse dès lors c’est de savoir avec quelle dextérité le cinéaste parviendra à donner corps à cette révolte. La réponse est que Holst maîtrise son sujet, mais sans audace particulière tant son film transpire l’académisme d’un cinéma européen qui ne prend jamais parti.
Tantôt admirablement mis en scène, tantôt ennuyeux dans son évolution, lente, le film de Marius Holst finit pourtant sur les chapeaux de roue. Le final est sacrément supérieur à toute la phase narrative nous y préparant. Certes, quelques séquences froides viennent égayer le visionnage mais bon nombre de d’inspirations simplistes viennent décidément faire passer le temps long. Inégal, d’un point de vue attractif, le film historique du metteur en scène norvégien démontre ses limites narratives. Pour autant, les divers comédiens, jeunes et moins jeunes, qui peuplent l’île de Bastøy sont tous franchement excellents. Certains n’auront droit qu’à l’étiquette de figurant alors que quelques jeunes acteurs s’illustrent admirablement dans la peau de gosses à la maturité qui n’a rien à envié à celle de leurs gardiens. En ce sens, l’acteur incarnant la tête dure fraichement débarquée sur l’île est une vraie révélation.
Beau film, peu trépidant mais tout-à-fait correct, preuve nouvelle que le cinéma scandinave est d’une toute grande justesse. Les paysages sont magnifiques, ici magnifiquement ternes, les conditions de vie de l’époque sont habilement décrites, les comédiens, tous à l’exception d’un, voire deux, peu connus, sont excellents. Que demander de plus? Eh bien simplement de l’audace. Du panache dans la mise en scène. Ne voulant vraisemblablement pas verser dans le mélodrame ou la débauche de violence, Marias Holst ne choque pas assez, n’offre pas au public le film révélation attendu au tournant. Le réalisateur fût en somme trop timide. Mais bel effort. 14/20