D’un côté nous avons un avocat sûr de sa science en quête de projecteurs. De l'autre, nous avons un jeune homme accusé d'un meurtre. L’histoire paraît simple : un meurtre odieux, a priori crapuleux, et un jeune homme qui s’enfuit couvert de sang à travers la ville. A l’exception du mobile qui reste à déterminer, tout désigne ce présumé coupable. Seulement voilà : perdu, affolé par l’événement, le jeune homme semble inoffensif. En somme, on lui donnerait le bon dieu sans confession. Se peut-il qu’il se soit trouvé au mauvais endroit au mauvais moment ? Il n’empêche que le crime fait la une de tous les journaux, en tout premier lieu télévisés. Pensez donc : un archevêque qui se fait tuer par arme blanche avec une telle rage a de quoi choquer l’opinion publique par l'intermédiaire des médias perpétuellement à la recherche de sensationnalisme. Il n’en fallait pas plus pour attirer tout l’intérêt dudit avocat, j’ai nommé Martin Vail. Et c’est ainsi que nous voyons à l’écran Richard Gere rejoindre Edward Norton (le jeune homme en question nommé Aaron Stampler) sur son banc des accusés pour nous livrer un thriller bien ficelé et particulièrement réussi. En effet, l’affaire s’avère bien plus complexe qu’il n’y parait, et ce à plus d’un titre. D’abord l’avocat va être opposé à quelqu’un qu’il connait bien et qui le connait bien, Janet Venable (Laura Linney). C’est à la fois un avantage et un désavantage pour les deux adversaires car l’un connait de l’autre ses forces, ses faiblesses et sa science, et inversement. Ensuite, les apparences évidentes (trop ?) de l’affaire Stampler cachent des faits ayant eu lieu dans le plus grand secret. Et pour cause ! Au cours des découvertes qui ne manquent pas de provoquer la stupeur, "Peur primale" nous invite à reconstruire ce qu’il s’est passé. Mais où est la vérité ? Aaron est-il vraiment coupable ? La justice aura-t-elle sa tête ? Martin Vail va-t-il réussir à le sauver ? Difficile à dire. L’affaire est tordue. Et on sait que d’une façon ou d’une autre, on va se faire avoir. Le tout est de savoir à quel moment. Car quoiqu’on en dise, le spectateur est happé dans cette histoire au cours de laquelle des pistes se dessinent
(comme celle entre autres du vaste projet immobilier)
. Tout en se dirigeant vers un procès retentissant (de par la nature du crime et de la qualité de la victime), le spectateur se range indubitablement du côté du jeune Aaron et de son avocat, pour la bonne et simple raison que la justice semble vouloir en finir au plus vite avec son coupable tout désigné et que, au vu de la psychologie du présumé meurtrier (timide, réservé, en manque de confiance en lui…), on le croit innocent. Ce parti pris est logique tant Richard Gere et Edward Norton sont mis sur le devant de la scène. L’inconvénient de cette mise en avant est que les seconds couteaux s’en retrouvent peu exploités. Je veux bien évidemment parler des employés de Martin Vail, à savoir Tommy Goodman (Andre Braugher) et Naomi Chance (Maura Tierney, que nous verrons plus largement à travers la série "Urgences" à partir de la saison 6). Parmi ces seconds rôles, il y en a quand même qui parviennent à tirer leur épingle du jeu comme John Mahoney véritablement excellent avec le regard bougrement menaçant de son personnage Shaughnessy, encore que j’aurai apprécié qu’il soit un peu plus développé, tout comme les deux autres précédemment cités. Au final, c’est Frances McDormand qui bénéficie du plus grand soin (si on excepte le personnage de Laura Linney) en psychiatre indépendante. Normal, l’étude de l’accusé va apporter des éléments supplémentaires. Même s’ils ont bien du mal à exister face à l’aura que dégagent Richard Gere et Edward Norton, ils réussissent tout de même à apporter leur dose d’importance. Ce n’était pas aisé, tant les deux acteurs vedettes occupent l’écran. Pire, Edward Norton vole pour ainsi dire la vedette à Richard Gere ! Alors qu’il apparait pour la toute première fois sur grand écran (il avait précédemment joué dans « Only in America » en 1994, sorti directement en DVD), il livre ici un panel de jeu d’acteur impressionnant. Timide, psychologiquement fragile, réservé, en manque d’assurance, son personnage illumine l’écran. Golden Globe et nomination aux Oscars logiques pour l’acteur qui voit par la même occasion sa carrière lancée. Seulement on ne la fait pas à Richard Gere : son charisme hors norme lui permet d’exister et de faire jeu égal dans le domaine de l’importance avec Edward Norton. A eux deux, ils accaparent la presque entièreté de l’attention du spectateur jusqu’au superbe twist final. Eh oui, on a beau dire mais le spectateur se fait magnifiquement manipuler au gré d’une réalisation somme toute classique de Gregory Hoblit, qui signe là son meilleur film alors que son nom est encore méconnu du grand public. Qu’importe, le réalisateur n’est pas quelqu’un de très prolifique, mais s’imposera de nouveau dans le domaine de la manipulation à travers "La faille" onze ans plus tard, un film que je vous invite à découvrir aussi si ce n’est déjà fait.