Chasse au fauve… et grand cirque. On retrouve avec plaisir les fameux personnages de Madagascar mais d'emblée, le ton a tendance à décevoir: le côté trop clinquant, dispendieux, formellement parfait, se heurte en effet à la faiblesse de l'histoire, qui manque cruellement de charme et cherche, en conséquence, à compenser le manque d'inventivité par une course au jet de poudre aux yeux exagérée. 3D oblige, très vite ça fuse, ça virevolte, ça tangue dans tous les sens, au risque d'installer une lassitude prématurée. La version 2D suffit amplement, appréciable avant tout pour ses couleurs, vives et non délavées. Si le travail esthétique s'avère donc remarquable, parfois éblouissant et ce, en particulier, sur la fin, par contre l'ensemble se fait trop factice, tonitruant et haché pour laisser l'émotion imprégner le récit (en-dehors des effets faciles). On a donc un beau produit à paillettes, brillant, envoyé avec éclat mais aussi plutôt kitsch, mièvre et –paradoxalement- un peu froid. Les valeurs de communauté fraternelle et d'esprit d'entraide, mises en avant, ont bien du mal à générer cette espèce de chaleur humaine -enfin animale-, qu'on a pu ressentir dans les précédents opus. Ce «3» rime avec opération «3D»: même en 2D, on sent dès le départ que le film est orienté là-dessus; dommage qu'on ait délaissé l'originalité et la beauté raffinée pour privilégier les effets bœufs, les cascades impressives et le grand n'importe quoi. Ça saute, ça bondit mais sans autre rebond que l'issue plate et convenue. La célérité stimulante et la haute volée graphique des scènes ne suffisent pas à faire oublier la fadeur du scénario de base. De plus, le scénario, qui tourne autour du cirque, fait songer à 1001 Pattes/A Bug's Life. Le thème est l'Europe, sauf qu'on finit à New-York... Au long du voyage, les scénaristes recourent à une somme de poncifs, à des clichés de mauvais goût (le baiser au pape à Rome, beurk), enfilent les situations déjà vues et fourrent le tout d'échanges sans surprise, sauf peut-être pour les plus jeunes. Alors, faute de développement sensé des personnages, et par défiance envers toute forme de tranquillité, on multiplie les extravagances les plus farfelues, les plus saugrenues et l'on enchaîne les scènes d'agitation les plus tumultueuses, excitées et tapageuses. Sauf que ça n’est pas bien drôle, à part lors de l'intervention des pingouins et un peu avec l'ourse. On sourit parfois, on rit à peine et les quelques vieilles recettes sentimentales du genre, pourtant rabattues, peuvent fonctionner. De là à ce que ça casse la baraque (be a big hit), il ne suffit pas de prendre l'expression au pied de la lettre. Car manifestement, les scénaristes confondent ici humour et énormités. Les gags s’enchaînent trop lourdement pour permettre au rire de se déployer, même dans le grotesque. On nous traîne dans les clichés, sous des pelletées de niaiserie; on sort une pique débile sur les Français (qui «ne travailleraient que 2h par semaine») mais aussi sur les Italiens, rendus ridicules. La seule ennemie est d'ailleurs une ignoble chasseuse d'animaux française, très agressive, qui a la force d'un Terminator et se met un moment à gueuler du Piaf... Le grand show du cirque provoque un certain enchantement par sa virtuosité; il tient cependant davantage du clip technologico-disco survolté en mode fluo que du spectacle admirable, apte à susciter l'émerveillement profond et à délivrer un attachement réel. Ce délire visuel aux allures surréalistes aurait pu se muer en un renouvellement du fameux FANTASIA et s'épanouir en longueur, mais non, dommage. D'un humour plutôt débile que drôle, à la fois foufou et mignon, ce MADagascar 3 amuse sur les bords (esprit borderline) comme il éreinte sur le fond, victime d'une fuite en avant agressive pour pallier une histoire simpliste à lourdingue. En faisant croire que les animaux cherchent volontairement à les intégrer, le zoo et le cirque passent pour des lieux sympas (sauf si le zoo ressemble à une prison)... Outre l'emballement suscité par la vélocité bariolée et par le souci graphique (sans grand renouvellement), on peut reconnaître l'intérêt de l'animation à dénoncer le braconnage et surtout le scandale de la chasse au lion d'Afrique, un problème toujours d'actualité.