J'ai toujours été déçu par les films d'arts martiaux asiatiques, qui suivaient tous le même schéma narratif avec une monotonie et une platitude lassante: un gentil, un méchant, une succession de scènes de combats jusqu'au combat final où se trouvent opposés le gentil et le méchant. Mais j'ai toujours pensé que ce genre de films contenait un potentiel formidable jamais exploité. Il aurait fallu pour cela développer les personnages et leur psychologie, doter le film d'une morale, se servir du cadre historique afin d'étoffer l'histoire. Croyez-le ou non, mais Ip Man réalise tous ces exploits. Le personnage le plus marquant est bien sûr Ip Man: charismatique, sympathique, cet authentique maître de Wing Chun vit avec la morale qu'enseigne son art martial: humilité, honneur, courage, fraternité. Les personnages secondaires sont tous fouillés, notamment le méchant, véritable antithèse d'Ip Man. Le cadre historique est celui de la Chine des années 30, qui subit une dure invasion japonnaise. Le film est extrêmement poignant grâce à cela. Car il dénonce les horreurs de cette invasion avec violence et réalisme, et expose le fanatisme des Japonais de cette époque qui se livraient à un culte des valeurs militaires et de la violence exactement à l'opposé de la philosophie d'Ip Man. Les scènes de combat ne sont donc pas de simples scènes d'action. Extrêmement spectaculaires au passage, elles sont magnifiquement chorégraphiées (le Wing Chun est un art martial extraordinaire, croyez-moi!) et filmées avec un parfait équilibre entre dynamisme et stabilité. Mais ce sont aussi des combats entre deux cultures, deux morales, deux philosophies. Le film possède donc un souffle épique surprenant en plus de scènes d'actions spectaculaires. Le combat final est l'une des scènes d'actions les plus spectauculaires, les plus poignantes et les plus épiques qu'il m'ait été donné de voir. Le rythme est soutenu, la mise en scène réussie et la musique magnifique, notamment l'inoubliable thème principal. Tout cela n'empêche pas la linéarité du scénario. Le film serait en fait à comparer à Gladiator (ce n'est pas un mince compliment, croyez-moi!), avec l'Empire japonais en guise d'Empire romain, les scènes d'arts martiaux à la place des combats dans l'arène. Le scénario a beau être simple, le film est poignant, captivant. Comme dans Gladiator, c'est moins un suspens scénaristique qu'un suspens émotionnel et une tension psychologique. Ip Man est tout simplement LE plus grand film d'arts martiaux jamais réalisé, qui parvient à allier la spiritualité propre au cinéma asiatique avec l'efficacité d'un blockbuster hollywoodien. Le film est cependant beaucoup trop court (1h40) pour un tel récit, ce qui explique la demi-étoile que je n'ai pas accordé au film. Ip Man n'a pas été diffusé en salle en France au passage (scandaleux...), ce qui explique sa faible notoriété. Mais se le procurer en DVD est une chose facile que tout cinéphile se doit de faire sous peine de passer à côté de quelque chose d'exceptionnel. Magnifique!