Si nous prenons un certain plaisir devant Battleship, c’est avant tout celui d’assister à une bataille navale sur plateau à plus de 200 millions de dollars : à ce prix-là, chère la partie ! Le spectacle est impressionnant, riche en explosions, en démolitions, en ralentis sur des torpilles frôlant sans les toucher les soldats, porté par la musique électronique tantôt grandiloquente tantôt épileptique de Steve Jablonsky. Néanmoins, le plaisir est quelque peu amer. Le patriotisme n’en est pas la cause ; qu’une œuvre se revendique d’une idéologie particulière ne constitue pas en soi un problème. Non, ce qui pose problème, c’est ce que développe le film en sous-texte, sa « métaphore » structurante. Car que raconte Battleship, sinon l’incapacité éprouvée par un jeune homme à obtenir la main de la fille de son amiral, et la propension de la guerre et de l’héroïsme qui en découle à retourner la situation en sa faveur ? Autrement dit, la fille de l’amiral – dont l’intrigue secondaire reste anecdotique et retarde inutilement le récit-cadre – ne saurait se penser hors d’un système de dépendance, possession de son père puis, par contrat – négocié au restaurant, avant le clap de fin –, de son mari. Et ce n’est pas Rihanna en bidasse badass qui va changer la donne. Deux femmes dans tout le film, dont une potiche, ce n’est guère reluisant… Certains diront que l’armée est un secteur exclusivement masculin, ce à quoi nous répondrons : faux. Plus maintenant. Dès lors, le patriotisme représenté ici est pris entre deux rives opposées : celle d’un conservatisme ronflant qui atteste sa mainmise sur la femme, celle d’une modernité technologique qui inscrit le long métrage dans une temporalité flottante mais future. Quand nous regardons Battleship, que voyons-nous ? Des tours flambant neuves flamber après avoir été traversées par des machines, des vaisseaux à la pointe des avancées techniques, des antagonistes dotés d’une technologie supérieure. Tout cela fait désespérément signe vers l’avenir. Un avenir dans lequel la femme est celle du passé, et l’homme une bête de guerre soucieuse de bien « conduire son bâtiment », autrement dit son entrejambe.