Chronique d’une enfance perturbée, d’un lien mère-enfant détraqué par la britannique Lynne Ramsay. Alors que mère et père ne peuvent communiquer sur l’état d’esprit de leur premier enfant, leur fils Kevin, ce dernier se métamorphose en monstre sans les yeux d’une mère qui semble être la seule à remarquer les maux de son fils. Paradoxalement, cette même mère aura démontrer dès la naissance de Kevin une froideur et un manque d’affection déstabilisant. Dès sa venue au monde, Kevin n’est que partiellement aimé, même si la mère conscients à de nombreux efforts. Lynne Ramsay ose disséquer de manière très abrupte la relation entre une mère et son fils, un concept très féminin lorsque l’on ne peut que remarquer l’absence d’une véritable autorité paternelle.
Par ailleurs, le film, pour être plus percutant mais surtout plus intriguant, ne prendra en compte que le vécu, les remords et les inquiétudes de la mère, interprétée brillamment par le discrète Tilda Swinton. Nul explication de ses actes d’un fils diabolique, nul prise de position d’un père absent et naïf, juste le vécu d’une mère rongée par un remords qui ne lui revient pas vraiment, n’ayant jamais réussi à approcher suffisamment son fils, et ayant renoncé par le suite. La haine est perceptible, le comportement de l’enfant, de l’adolescent est pervers et incontrôlable. Dévastée par son vécu, l’on retrouve la mère avant, durant et après les évènements provoqués par son enfant, d’une manière parallèle mais tout à fait distincte.
Le jeu des acteurs est tout simplement somptueux, Tilda Swinton d’abord mais aussi Kevin, interpréter par un acteur qui monte, Ezra Miller. Les regards sont profonds, les intonations justes et le désespoir et la malice se lisent comme à livre ouvert. Chronique d’un drame qui trouve sa source dans le cœur de la famille traditionnelle, ou non. A vous, à nous de tenter de répondre à cette question. Alors que Kevin nous rebute de par son tempérament, l’on serait tenter de la plaindre d’être mal aimé. Alors que la mère, démolie et seule contre tous nous fait mal au cœur, l’on n’est tenté de lui tiré les oreilles en lui rappelant au bon souvenir de sa tronche d’enterrement le jour de la naissance du petit. Finalement, le plus attristant dans tout ça sera la relation de Kevin et de sa petite sœur, une méchanceté dissimulée qui aura de lourde conséquences, même éphémères.
Un film lourd, poignant et très bien écrit. La famille au cœur du drame, de l’incompréhension. Tout y est dit, tout y est imagé, même si les premières minutes sont difficiles à cerner. Par ailleurs, Lynne Ramsay, très bonne metteuse en scène, s’amuse à se jouer du floue, de la mise au point et d’une bande son pour le moins étonnante vu la raideur du sujet abordé. Sans doute afin de faire retomber la pression, la réalisatrice amène le vent frais à intervalles réguliers par des séquence heureuses ou prometteuses d’un avenir meilleur. Par ailleurs, le final laisse entrevoir la profonde détresse d’un enfant que l’on voyait jusqu’alors comme un monstre. Que de questions. Un film étonnant et très touchant, c’est déjà un fait majeur. 16/20