Plutôt que d'évoquer la chevelure hirsute de Sean Penn dans This must be the Place, il vaut mieux se rappeler Les amis de la famille et Les conséquences de l'amour, films qui ont précédé Il divo, pour tenter de comprendre, si tant est que cela soit possible, le cinéma de Sorrentino. A la différence que, cette fois, le réalisateur filme l'Amérique et que son goût du bizarre et de l'incongru prend une ampleur démesurée, qui accentue ses qualités ou ses défauts (le débat est ouvert). Ce Paris Texas déjanté, road-movie aléatoire, a obtenu le prix Oecuménique à Cannes cette année. Un qualificatif qui ne lui sied guère, Sorrentino faisant tout pour détruire son "oeuvre" de l'intérieur, jusqu'à lui coller une intrigue gênante de chasse au nazi, qui frise le ridicule et donne lieu à une scène dans la neige, vers la fin, qu'on aurait préféré ne pas voir. A part ça, le film est fascinant, envoûtant même à certains moments, tellement ses lignes de fuite sont nombreuses, enveloppées pourtant dans une sorte de cohérence artistique qui impressionne (pas pour tout le monde, évidemment, c'est logique). Cet Ovni doit beaucoup à Sean Penn. Ce n'est pas tant sa coiffure, sa démarche ou son débit verbal, c'est son âme qu'il semble avoir vendu à son personnage de Cheyenne, rocker régressif qui a conservé sa panoplie gothique d'adolescent. Sa performance de star naphtaliné est hallucinante. Monstrueuse. Autre personnage qui donne du jus à This must be the Place, la BO jouissive de David Byrne, l'ancien leader des Talking Heads, auteur de la chanson éponyme du titre du film et dont on entend 6 ou 7 versions. Pour finir, si Sorrentino se prend souvent au sérieux, il en a le droit, cela ne l'empêche pas de pratiquer, à petites doses, un humour noir cinglant. La scène de l'ascenseur, où plusieurs jeunes femmes discutent produits de beauté avant que Cheyenne ne mette tout le monde d'accord, est un bon exemple du genre. Alors oecuménique, sûrement pas, mais sarcastique, ça, oui. Et passionnant (ok, pas pour tous).