En quelques minutes, le temps d’une introduction, nous oublions Sean Penn, prodigieux, pour ne plus voir que Cheyenne. Son look bien sûr, puis son regard, sa démarche et enfin sa singulière conversation, ensemble qui, bien que surprenant, nous devient vite familier et attachant. Rien n’empêche dès lors de se laisser aller, nos yeux dans ceux d’une rock star au cœur et à l’esprit généreux et profond. A l’image des qualités qui transpirent de This must be the place.
Saluons déjà le brio de la narration. Car si l’objet de la quête de Cheyenne est de tous les synopsis, on ignore tout du drame qui hante le préambule, si ce n’est qu’il existe bel et bien et nous interroge au point d’en oublier la suite. On partage avec Cheyenne une intimité telle, qu’on découvre et ressent à son rythme. Quand donc le film entame son glissement vers un autre pays et une autre vie, on se demande si la promesse à venir sera tenue. Quel bonheur donc qu’elle le soit. Et au-delà même de nos possibles espérances, tant le film possède de forces pour nous captiver. Aussi lui pardonne-t-on quelques rares passages un peu flâneurs, en se rappelant qu’ils se justifient dans la mesure où ils reflètent le regard du héros sur les éléments qui l’entourent. Par exemple l’émotion, le bouleversement que l’on découvre sur le visage de Cheyenne, après avoir assisté à un extrait de concert à la mise en scène originale.
Sa supposée consommation débordante de drogues ne lui a pas ôté pour autant discernement et finesse. En quelques regards et mots bien choisis, Cheyenne compose des dialogues qui nous ravissent, il impressionne, séduit, touche et fait rire. Un autre atout majeur dans This must be the place, cet humour qui scande tout le film et nous fait aimer définitivement son héros.
Une tranche de vie d’une ex rock star se devait enfin de posséder une bande son digne de ce nom. Et toutes ces interventions sont en effet puissantes. Citons la formidable séquence où Cheyenne se balance avec classe, quoiqu’on en dise, sur l’excellentissime titre d’Iggy Pop The Passenger. Mais le film délaye un passé des plus atroces, et la musique renforce naturellement une tension croissante.
This must be the place recèle de nombreuses autres pépites, notamment dans les rapports amoureux, amicaux ou familiaux. Et dans les rencontres où rien n’est anodin, où la brièveté n’empêche pas la beauté, l’intensité, l’intelligence ou l’originalité (l’inventeur de la valise à roulettes ou la petite fille de l’homme recherché). Mais il faudra franchir les portes de la salle pour toutes les découvrir.