Pour analyser un blockbuster, il est nécessaire de s’abstraire des effets pyrotechniques et de revenir à l’essentiel. Qu’est-ce qu’un bon film ? C’est généralement une combinaison d’un excellent scénario couplé à une interprétation de haute volée des principaux protagonistes (voire des personnages secondaires), une mise en scène imaginative ou pour le moins efficace et à questionnements sous-jacents qui résonnent bien après le générique de fin.
Dark Fate est à tous ces titres un exécrable film qui s’inscrit pour partie dans la continuité du T2, car il en reprend les plus mauvaises caractéristiques, en les amplifiant grandement.
T1 était un excellent film. Son scénario était à l’époque novateur et posait une question largement en avance sur son temps, celle des dangers de l’intelligence artificielle et de la robotique. Seule ombre au tableau du scénario, est pas des moindres, le film n’expliquait jamais comment une poignée d’êtres humains rescapés de l’apocalypse nucléaire pouvait si facilement vaincre une entité omnipotente, maîtrisant des technologies très évoluées (les cyborgs, le voyage temporel). Les acteurs étaient parfaits dans leur rôle, et tout le film tenait dans la tension ressentie par les personnes pourchassées qui malgré l’effroyable pression qu’elles subissaient n’en demeuraient pas moins profondément humains. Car l’histoire du T1 est aussi celle de la transformation de Sarah Connors, émotionnellement enrichie par ce qu’elle a vécu, notamment le sacrifice de Kyle Reese, et qui ne perd jamais son humanité.
Ce n’est déjà plus du tout le cas dans le T2, ou la Sarah Connors 2 .0 (SC 2.0) est au fond bien plus proche du T800 que d’un être humain. Elle blesse et est prête à tuer tous ceux qui s’opposent à son objectif. Au-delà des prouesses techniques bluffantes, T2 est sauvé par la cohérence correcte de son scénario et surtout l’interprétation magistrale d’Edward Fulong et de Robert Patrick. La philosophe du film était toutefois très différente de celle du T1. Dans le premier épisode, la sublimation des qualités humaines permet de vaincre le T800, alors que dans le second, le Némésis humain ne peut être vaincu qu’en s’alliant avec une autre version de lui-même (le T800 modifié) et en devenant presque comme lui (SC 2.0).
Dark Fate n’est sauvé ni par son scénario totalement incohérent ni par la justesse d’interprétation des acteurs.
Le scénario de cet opus ne tient en effet absolument pas la route. I
l est plus qu’improbable qu’il y ait eu plusieurs T800 envoyés en même temps que le T1000 pour atteindre le même objectif. Car si cela avait le cas, ils auraient au minimum agit de façon coordonnée (par exemple en se retrouvant tout d’abord dans un lieu connu (la société Cyberdine Système)). De plus, le T800 qui a atteint sa mission ne peut en aucun cas se faire « pote » avec les humains et se retourner comme ses semblables. Le parallélisme qui est fait avec le T800 et John Connors dans le T2 est un non-sens. Si ce T800 particulier était capable d’interactions et d’empathie envers John notamment, c’est parce qu’il a été reprogrammé pour cela. Le T800 qui abat John Connors au début de Dark Fate est le même que le T800 du T1. Il est programmé pour s’infiltrer et tuer. On imagine quand même difficilement le T800 de 1984, s’il avait atteint sa mission, se transformer en bon père de famille qui vend des rideaux et change des couches. A cette double absurdité qui détruit déjà le film, s’ajoute une troisième qui l’achève définitivement. Dani Ramos, est sensé devenir le futur sauveur de l’humanité. En conséquence, d’ici environ 25 ans, un système informatique sorti de nulle part, sera capable de produire des pseudo Terminator (REV-9) encore plus évolués que le T1000, qui bénéficiait lui d’une auto création, grâce à la puce du premier T800. Ce film détruit donc allègrement le sens même du T2, qu’il est censé prolonger.
Si les acteurs sont moins pitoyables que ceux de Génésys, aucun d’entre-eux n’a le charisme ou la présence de Michael Biehn, Linda Hamilton (de 1984), Edward Fulong et Patrick Robert.
Une fois retirée la pyrotechnie et mis à nu l’idiotie du scénario, la finalité du film apparaît au grand jour. Asséner à un public, prié gentiment de laisser son cerveau au vestiaire, les bons messages à enregistrer.
L’immigration, y compris clandestine, c’est bien, puisque c’est elle qui permettra de sauver l’Amérique (ou l’humanité c’est pareil pour Hollywood). Tous les pouvoirs doivent revenir aux femmes, qui peuvent assumer tous les rôles (y compris de guerriers) et n'ont plus besoin désormais des hommes qui sont de fait éliminés (John Connors) ou émasculés et priés de disparaître (I won’t be back). Enfin, travers déjà présent dans le T2, le transhumanisme est largement prôné et mis en avant, par les personnages de Grâce et de Carl, qui nous montrent qu’au fond Hommes et machines c’est la même chose.
On ne peut qu’être d’accord avec Scorcese dans sa critique des blockbusters. Mais Dark Fate nous montre que le problème peut être bien plus profond avec un paresse totale qui se moque des bases du cinéma pour asséner sa propagande la plus manichéenne.