Il arrive, quelque fois, que l'on ne comprend pas la réputation d'un film. On essaie de percer le mystère, de voir pourquoi on le déteste tant; c'est alors qu'arrive la paranoïa, qu'on se sent seul au monde, à fricoter avec le diable pour des goûts de chiotte. Voilà le cas dans lequel je me trouvais avec La Tour sombre, alors que les 20 premières minutes s'écoulaient et que la qualité semblait être au rendez-vous. Puis vint la suite, soit l'heure restante. Et là, c'est le drame.
On se rend compte que les acteurs jouent comme des pieds; Katheryn Winnick, Dennis Haysbert, Idris Elba, même l'excellent Matthew McConaughey est horriblement mauvais, interprétant son personnage de grand méchant d'une manière si osef qu'on en viendrait à se demander s'il ne tourne pas aux somnifères les plus violents qui soit. Insupportable, il est triste de le voir ainsi, s’empêtrer dans un rôle qui n'est clairement pas à la hauteur de sa réputation et de son talent. Passer d'Interstellar, True Detective, Dallars Buyers Club à ça, c'est une intense douloureuse à se prendre.
Ne parlons pas des autres, d'Idris Elba qui se ridiculise à balancer des maximes d'une bêtise phénoménale et d'un manque de sens ahurissant. Le "célèbre" code des rangers du film incarne l'exemple typique des lignes de dialogue placées n'importe où, n'importe comment parce que cela faisait bien, et bien pompeux comme il faut. Le film se prend trop au sérieux, et c'est ce qui le rend rapidement très drôle : persuadé de toujours bien faire les choses, La Tour sombre agit comme s'il croyait être la nouvelle grande franchise du cinéma d'épouvante/horreur/science-fiction, n'étant jamais conscient de la merde qu'il sert à son public.
Il y aura pourtant un effort de fait sur les effets spéciaux (spécialement réussis, par ailleurs) et la mise en scène, très proche des films Netflix, soit efficaces et compacte dans l'horreur. C'est un tout crédible, cohérent avec l'univers développé (de manière conséquente et honorable en un seul film, reconnaissons-le) et les thèmes abordés (même si la manière de faire n'est pas toujours la bonne), à l'imagerie convenable (le choix des couleurs est excellent) et à l'exercice de mise en scène très soigné.
On y sent tout de même une once de talent; La Tour sombre n'est pas foncièrement mauvais, c'est seulement qu'il manque de rigueur. Si l'on omet cette écriture catastrophique et affreusement manichéenne, dans laquelle les méchants sont très méchants sans raison autre que le fait qu'ils sont méchants et qu'ils veulent dominer le monde (certes, c'est cocasse), et que les gentils sont très gentils parce qu'il faut des gentils très gentils pour sauver le monde des griffes des méchants très méchants, la direction d'acteurs fait elle aussi tâche.
S'il faut rater certains films d'horreur, La Tour sombre n'est pas du niveau d'un Chroniques de Tchernobyl pour vous le déconseiller complètement; il permet tout de même de se détendre en suivant une histoire certes absolument stupide, mais qui n'en demeure pas moins intéressante et bien rythmée; on ne s'ennuie pas, du moins pas vraiment, on rit, parfois volontairement, parfois involontairement, et l'essentiel, c'est qu'on y passe un bon moment. Des mauvais films comme ça, j'en redemande.