Quoi de plus poignant, mais aussi de plus porteur d'espoir, que ces moments éphémères et fragiles où l'on dit adieu à l'enfance pour entrer dans l'adolescence, antichambre de l'âge adulte! La petite Jorgelina va vivre un été singulier, celui de tous les changements. Elle est encore une enfant mais autour d'elle, tout est déjà en mutation : ses parents se séparent, sa soeur aînée devenue "grande" lui préfère désormais les amies de son âge et les mystères de la sexualité commencent à la préoccuper. Alors elle tourne le dos à la Boyita, la vieille caravane au fond du jardin, théâtre de ses jeux enfantins, et elle part pour le domaine campagnard de son médecin de père. Elle pense trouver un nouveau confident en Mario, le fils des métayers, qui aborde lui aussi une périlleuse étape de sa vie. Dans cette communauté rurale et machiste, il doit prouver qu'il est digne d'accéder au statut d'homme. Mais Jorgelina va provoquer, en croyant bien faire, la révélation d'une erreur à la naissance sur le sexe de Mario. A son retour chez sa mère, la Boyita a péri, écrasée par un arbre, et son enfance a pris fin avec le drame de Mario. C'est avec infiniment de tendresse pour ses personnages et de délicatesse des images que Julia Solomonoff traite ce sujet de l'éveil de la sexualité et de la féminité. L'air de rien, elle souligne aussi les différences entre la classe aisée où évoluent Jorgelina et sa famille, et celle des ruraux à laquelle appartient Mario. Le malheureux enfant subit la brutalité de ses aînés, particulièrement de son père qui le punit de ne pas être le fils qu'il voulait en le rouant de coups. Pourtant, malgré le contexte dramatique, on apprécie la très belle photographie qui restitue l'atmosphère de cet été dans la pampa argentine, la lumière intense, la poussière, la chaleur accablante mais aussi la beauté des chevaux et d'une nature infinie peuplée de troupeaux, la fraîcheur d'un étang, la violence d'un soudain orage. Un joli film donc, pudique et poétique, entre insouciance et nostalgie de l'enfance qui s'éloigne.