Le double jeu de Netflix est d’avoir voulu assurer ses arrières en assumant son décalage humoristique. Cependant, le thème de la mort doit trancher en la faveur de la lumière ou de l’obscurité, car il n’y a pas de juste milieu. Voilà en quoi l’œuvre dévoile sa fragilité. L’intention reste souvent une source inviolable et stable, or ce n’est pas le cas dans l’adaptation occidentale. Adam Wrigard, réalisateur moyen, a proposé dernièrement des choses intéressantes comme « You’re Next ». Sa série dérive alors sur un doute, une incompréhension. L’exemple concret reste « Blair Witch », remake dont on ne détaillera pas les défauts, trop nombreux pour être cités. L’américain hérite alors d’’une intrigue qu’il tend d’Hollywoodiser, à la sauce Géant du streaming. L’étude envisage alors deux cas d’adaptation, l’un par respect de Tsugumi Ōba et Takeshi Obata, l’autre par divertissement pur et dur d’un teenage movie. Aucune condition ne sera totalement justifiée ni développée et l’on perdra du crédit dans le ton…
Une déception pour les fans donc. Non pas que la transposition des ethnies peut choquer, loin de là. Il est nécessaire de voir plus loin et de comprendre les réelles valeurs du film. On suit Light Turner (Nat Wolff), étudiant modeste, qui cherche à promouvoir sa force sous les traits d’une justice vengeresse. C’est à partir du moment où il fait l’acquisition du fameux bouquin que tout part de travers. La question de divinité est survolée, au détriment d’un spectacle graphique, emprunté à « Destination Finale ». Il ne résulte qu’une overdose d’hémoglobine, sans intérêt.
La symbolique de Kira prend alors peu de sens, car le personnage ne tutoie en aucun cas le rôle du dieu de la mort. Le fautif est le montage et cette condensation excessive du récit, conduisant à diverses incohérences inévitables. On brûle les étapes et le film rushé manque d’évoquer l’ascension de Kira comme « justicier ». Auprès de lui, Ryuk (Willem Dafoe) intervient avec une aisance glauque qu’on saura apprécier à sa juste valeur. Malgré tout, on préfère ne pas peser sur sa prestation acceptable et l’on propose un soutien moral inattendu pour le marionnettiste de la mort. Mia Sutton (Margaret Qualley) satisfait cette demande, grande victime de la libre adaptation. Elle n’illustre plus la jeune éperdument amoureuse, elle participe à présent aux massacres avec un bonus en manipulation. Son implication pourrait intéresser mais le background à son égard se perd dans une facilité digne des série B.
Vient ensuite la Némésis du prétendu dieu de la mort, L (Lakeith Standfield). Bien que l’acteur capte de bonnes mimiques, dévoilant des addictions sympathiques, le personnage en lui-même manque de charisme. L’écriture ne permet pas de jouer en faveur de ce fin stratège, prêt à défier la mort et la justice de façon élémentaire. Le terrain de combat se transforme peu à peu en une partie d’échec ennuyeuse. Alors que l’on souhaitait aborder la notion de justice ébranlée par une jeunesse insouciante de la valeur de la vie, on n’exploite d’une modeste analogie au terrorisme de l’ombre. Chaque assassinat résonne comme à un attentat, où le support que sont les réseaux sociaux contribuent à la mise en abîme d’une génération connectée. La fragilité de cette dernière se conçoit par la notoriété et un jeu de pouvoir qui ne se résume qu’à la prise de contrôle sur la vie d’autrui. Le terme de responsabilité est négligeable dans la mesure où l’on se suffit à soi-même, qu’importe les risques. C’est à ce moment précis qu’une divinité incontrôlable nait et embrasse les faveurs du chaos, qu’elle-même ne pourra combattre. Malheureusement, nous passons à côté de ces détails qui fondent l’état d’esprit du récit, bien trop paresseux pour insister sur une démarche philosophique. On ne valorise que le gore à outrance, reflet d’un défaut de mise en scène efficace.
Au final, le « Death Note » de Netflix propose un divertissement qui ne saura convaincre le public, quel qu’il soit. Pas aussi respectueux que le récent « Ghost In The Shell », ce dernier essai confond énormément de choses, à défauts d’oublier le plus important dans l’histoire. Ce livre connote bien plus qu’une simple transmission de la peine de mort, preuve de l’état d’âme d’une nation déchirée. On feint alors de comprendre les règles alors que l’on ressent l’opposé. Est-ce notamment dû aux personnages très archétypaux ? Est-ce pour le manque de tension dramatique ? Les enjeux ne sont jamais clairs, faute à l’injuste durée de 90 minutes. Amputé de son atmosphère viscéral, le film perd en crédibilité. Un choix certainement assumé par la production, mais les résultats évoquent que l’humanité n’est pas encore digne de tutoyer un outil divin, preuve de son immaturité. A cogiter.