Le documentaire est réalisé par Emmanuel Laurent et Antoine de Baecque. Ce premier, autodidacte, a étudié le cinéma à la Cinémathèque et par le montage. Il a fondé la société de production indépendante Films à Trois en 1984, qu'il dirige avec Martin De la Fouchardière. Deux de la Vague est son premier film pour le cinéma. Avant cela, il a réalisé des films pour la télévision et des documentaires dont Le Vagabond (d'après Guy de Maupassant), une comédie musicale en trois parties ou encore Le Cantique des Cantines et parmi les documentaires, Nord Tchad (avec Lionel Cousin), Buffon la science de la vie...
Antoine de Baecque est un célèbre critique et historien du cinéma. Il a écrit sur la cinéphilie et la Nouvelle Vague, mais aussi des essais sur les esthétiques de certains cinéastes tels que Tim Burton, Manoel de Oliveira, Andrei Tarkovski, Maurice Pialat, Jean Eustache, ou encore Jean-Claude Brisseau. Ancien rédacteur en chef des Cahiers du cinéma et des pages culturelles de Libération, il est aujourd’hui professeur d’histoire du cinéma à l’Université de Nanterre. Biographe à la fois de François Truffaut et de Jean-Luc Godard, il ne pouvait qu'aspirer à un documentaire sur les deux acolytes: il réalise donc son premier film avec Deux de la vague.
Le documentaire se propose de dresser un portrait de l'amitié qui a uni deux grands cinéastes de la Nouvelle Vague, Jean-Luc Godard et François Truffaut. Ils se rencontrent en 1950 par amour du cinéma. Puis il fréquentent les mêmes clubs, écrivent dans les mêmes revues. Pourtant l'amitié se fêle lorsque la question politique se pose en 1968: Godard, très engagé, se tourne vers le cinéma militant (Masculin, féminin, La Chinoise, Week-end) alors que Truffaut décide de continuer à faire son cinéma, envers et contre tout.
Pourquoi eux? Parce que l'amitié Godard/ Truffaut avait quelque chose d'"hautement romanesque" tout à fait transposable à l'écran. C'est ainsi que les deux réalisateurs ont décidé de faire le deuil des autres représentants de la Nouvelle Vague, se concentrant plutôt sur ces deux figures mythiques. Antoine de Baecque explique également qu'il y voit quelque chose d'universel, des amis réunis et séparés par une même passion: le cinéma. "Ces amours et ces déchirements, tout le monde les a connus. Mais cette amitié dit aussi beaucoup de choses du cinéma français, car elle est, en son sein, l’une des aventures et des ruptures majeures", souligne-t-il.
Suite à une conversation sur le cinéma et sur leurs cinéastes favoris, l'idée d'un documentaire sur la Nouvelle Vague est lancée par Emmanuel Laurent. L'enthousiasme d'Antoine de Baecque est immédiat. Pas question pour les deux réalisateurs de faire un film testamentaire ou de tirer un bilan des années Godard/Truffaut. C'est dans cette perspective qu'ils décident de faire un film exclusivement à base d'images d'archives, de textes écrits par les cinéastes et qu'ils se refusent d'interviewer "de vieux monsieurs qui parlent de leur jeunesse envolée". Ils souhaitent plutôt "tenir le pari d’être quasi constamment au présent d’une époque, de la fin des années 50 au début des années 70." Le but était donc de montrer le dynamisme et la jeunesse des artistes de la Nouvelle Vague.
Antoine de Baecque insiste sur le fait que le documentaire n'est pas un énième film sur la Nouvelle Vague mais qu'il révèle des choses qui, jusque là, étaient restées confidentielles: "Faire ce film représentait un défi. On pouvait montrer à ceux qui se disent « Truffaut et Godard, je connais… » qu’il y a encore des choses à découvrir, qu’ils peuvent être surpris par ce qu’ils pensent connaître sur le bout des doigts." C'est également en abordant ce thème par l'angle particulier de l'amitié que le documentaire se détache du reportage ou du film testamentaire: "On aurait pu raconter cette histoire à travers d’autres figures, mais Truffaut et Godard, d’une part, donnent accès à de nombreux documents, et puis, d’autre part, ils permettent de poser la question de la transmission de cette histoire d’amitié aux générations nouvelles."
Les réalisateurs rendent hommage à une époque créative mais également aux médias de l'époque en prenant pour point de départ nombre d'archives des années 50 aux années 70: "Je pense qu’une archive, qu’elle soit visuelle ou manuscrite, imprimée ou sonore, est une source d’émotion. Et le travail sur Deux de la vague est parti de cette idée : en toute archive, il existe une potentialité de sens et de sensibilité (...) C’est pourquoi une page de journal, d’Arts, des Cahiers du cinéma, est ici aussi importante qu’une photo du jeune Godard, qu’un entretien inconnu avec le Truffaut 1959, qu’une lettre manuscrite ou qu’un extrait de film", explique Antoine de Baecque.
Isild Le Besco apparait dans le film en tourneuse de pages, animant à sa guise les archives d'il y a cinquante ans. Le choix de l'actrice a été mûri par les réalisateurs qui estiment qu'aujourd'hui elle représente elle aussi une Nouvelle Vague du cinéma français. Voici comment la voit Antoine de Baecque: "Isild, c’est la Nouvelle Vague 2010 tout en étant parfaitement de son temps (...) C’est une tourneuse de pages, mais impliquée, vivante, curieuse, attentive au passé comme au présent."