Comment un petit québécois comme Xavier Dolan a pu passer de simple doubleur dans Twilight au réalisateur de toute une nouvelle génération? Sans passer par 4 chemins, je ne m'y connais pas beaucoup en terme de cinéma québécois (si ce n'est quelques films de Denis Arcand). Pas que ce type de cinéma soit inintéressant, c'est qu'il est trop oublié du grand public, et c'est malheureusement le cas d'autres productions étrangères. Heureusement, la sortie de "Mommy" fin 2014, l'un des plus gros succès critique du cinéma francophone de ces cinq dernières années, a permis à Dolan, malgré un style et une technique de réalisation très personnels non-accessible à tous, de chavirer le coeur de plus d'un million de spectateurs français l'année de sa sortie. Un film qui plait est un film ayant sa propre particularité, et c'est ça qui fait le charme des films du réalisateur: le genre réaliste qu'il exploite étonne, captive, de quoi retenir l'attention du spectateur. C'est un genre en partie engagé, Dolan (le "Nolan" de l'art réaliste?), apparaissant ici devant et derrière la caméra, a traité plusieurs fois des relations mère/fils, lui-même ayant été élevé seul par sa mère avec qui il a partagé de l'amour et de la haine. Le choc du film provient en partie des révélations, montrées, de ce que l'Homme refuse de montrer par soi-même, notamment ici: la Haine, et les relations conflictuelles entre une mère et un ado. L'histoire, en partie biographique, venant à bout de son idée sans pencher vers le timoré (la peur de trop en montrer, d'être extrême), raconte celle d'un étudiant interprété par Dolan lui-même destiné à vivre avec une mère dont il ne supporte pas les manières et dont il a honte d'être le fils. Suite à un mensonge, son enseignante lui avouant elle-même détester son propre père, l'aidera alors à reconquérir l'amour qu'il eut avec sa mère lors de sa plus tendre enfance. Dolan, malgré son âge au tournage du film, réussi à interpréter son personnage avec beaucoup de justesse, malgré quelques exagérations dans les dialogues par moments. La musique du film, digne de celle de Preisner dans les films de Kieslowski, accompagne cette histoire d'amour et de haine avec douceur, tant le son et les dialogues le font avec la colère, la rage ; le personnage d'Hubert n'est typiquement pas le genre de fils qu'on aimerait avoir, tant il inspire la violence et le mépris. On ressent de la gêne mais aussi de la pitié pour la mère, victime de la vie quotidienne dont elle n'a pas désirée. Petit inconvénient, pas mal de facilités pour l'écriture des personnages secondaires, en revanche suffisamment bien foutue pour les rendre intéressants et attachants. Les 90 minutes passent ainsi toutes seules. Moralement violent (rarement physiquement mise à part à la fin), le film parvient à trouver son esthétique dans les plans de caméra (dont le fameux champ/contrechamp de la scène du diner), dont la conclusion nous fait questionner sur le sens du titre:
si Hubert ne "tue" pas sa mère physiquement, techniquement parlant elle et lui sont torturés par le destin, allant des problèmes scolaires du lycéen et les crises de nerfs qu'il fait subir à sa mère. Le déroulement de l'intrigue forme ainsi une leçon de vie dont la morale vient de soi.
Le genre de film qu'on ne regarde pas, mais qu'on ressent.