J'ai été ébahi par ce film d'une objectivité et d'une sincérité rare. J'avais déjà adoré le deuxième long-métrage de Xavier Dolan, "Les amours imaginaires", qui m'avait vraiment surpris par son atmosphère et la surface lisse de ses personnages. Ici, la perception reste identique à travers un duo d'acteur étonnant qui déborde d'émotion, de vérité, de haine et d'amour l'un envers l'autre sans réussir à s'atteindre, à se connecter normalement avec l'autre, sans savoir pourquoi. C'est la première fois que j'observe une relation (ici, mère-fils) aussi bien retranscrite et traduite, et pourtant si complexe ; le scénario est d'une lisibilité rare et tenace, on explore la haine et l'amour de cette relation au travers leur quotidien aléatoire, piquant, tantôt vrai, tantôt faux, enrobé de citations magnifiques (celle de l'ouverture est sublime!), de confessions à coeur ouvert, de défilé d'objets suivi de touches de musiques discrètes, douces et efficaces. Le côté autobiographique du long-métrage a sûrement joué en la faveur de Xavier Dolan mais on ne peut pas dire qu'il n'y a pas de génie là-dedans! L'esthétique est singulière et bien ancrée : les plans serrés, les visages décentrés, les dialogues improvisés... Les scènes de disputes, d'incompréhensions, de retrouvailles sont filmés avec une intense justesse, c'est juste clair comme de l'eau de roche. Le rôle de la mère est tenu par Anne Dorval (alias Criquette Rockwell pour les connaisseurs de passe-temps débile) qui cache plus d'un tour dans son sac : personnage à la fois évident et complexe, elle le manie d'une manière abrupte et touchante, nous énervant quelque fois dans ses réactions. C'est l'histoire d'un fil incassable qui peut se tordre dans tous les sens sans que jamais les deux bouts ne soient séparés. Le texte est superbe, malgré les longs charabias québécois qui n'ont pas de sens chez nous, çà fait parfois rire, l'image de certaines scènes poussent aux larmes comme à la rébellion, touchant une part d'humanité indéniable et inexplicable chez chacun. Dolan éclaire sur les bribes des souvenirs maternels, des désirs oubliés en passant par la haine de l'incompréhension et la volonté de s'échapper... Un chef d'oeuvre, vraiment!