[Scénario: 4/5]
Pour son premier long, Zoltan Mayer s'attaque au récit initiatique sur un registre un peu particulier puisqu'il met en lumière Liliane, française, la soixantaine, qui se lance dans une aventure folle après que son fils, Christophe, ai trouvé la mort dans un accident au Sichuan (Chine). L'histoire parait peu commune, mais face à l'adversité que rencontre Liliane confrontée aux barrières de l'administration française elle se décide à partir seule en Chine afin de s'occuper courageusement de ces formalités elle-même et de renouer, quelque part, avec ce fils perdu.
[Mise en scène: 3/5]
Un rythme lent, lourd même, à l'image des nuages gris orageux que l'on voit sur l'affiche. "Voyage en Chine" n'est pas le film le plus excitant qui soit, c'est sûr et pourtant il est comme imprégné d'une telle émotion, d'une telle force magnétique qu'il parvient tout de même à séduire. Alors que les personnages et leurs dialogues subsistent dans un style très épuré le film semble pourtant s'affirmer dans chaque scène, chaque plan, dans les non-dits aussi, surtout dans les non-dits. C'est comme s'il n'y avait pas besoin de mots, tant l'atmosphère est riche en émotions.
Certains regretteront qu'il n'y ait, par moment, pas plus de scénarisation et de broderie autour des personnages. Pour ma part j'ai trouvé qu'il n'y en avait pas besoin et que les émotions dégagées nous suffisaient pour développer une intensité dans le récit.
[Acteurs: 3/5]
Yolande Moreau est touchante comme jamais dans ce rôle de mère brisée, cet esprit chétif emprisonné dans un corps marqué par les années et que rien ni personne ne semble pouvoir consoler. Son rôle, tout en retenue, convient parfaitement au fond de l’histoire ainsi qu’à la culture chinoise dont la pudeur apparente pourrait être prise, de prime abord, pour de l’austérité. Mais austérité ou pas, les émotions, même retenues, trouvent leur chemin sous les traits de Qu Jing Jing, Ling Dong Fu ou encore Yilin Yang dont les personnages sont à la fois chaleureux et authentiques.
[Photographie : 5/5]
C’est la première chose que l’on remarque lorsque commence le film : ce sens du cadre très soigné et d’une précision chirurgicale presque glaçante. J’ai beaucoup aimé le choix des cadrages un peu à contre-courant du récit puisque le hors-champ y tient une place importante et bien souvent les éléments cruciaux de l’intrigue se déroulent dans cette zone invisible. Il faut alors l’imaginer. Une grosse utilisation de plans fixes également qui a pour effet de figer les émotions dans chacune des scènes comme pour nous suggérer de prendre le temps d’admirer le tableau qu’on nous présente. Enfin Zoltan Mayer utilise du contexte du récit pour nous présenter les plus beaux paysages de ce Sichuan, terre à la fois agricole et mystique.
[Bande Originale : 3/5]
Une BO légère et mélancolique qui semble flotter dans l’air de chacune des scènes mais qui reste néanmoins assez discrète sur toute la longueur du film. Après tout le silence peut aussi être considéré comme une forme de musique non ?
[TOTAL : 3,6/5]
Le moins qu’on puisse dire c’est que Zoltan Mayer signe avec « Voyage en Chine » un premier film très réussi à la fois sur le plan technique et sur le plan artistique. Paradoxalement cette froideur, cette rigueur du cadre, qui semble être la marque de fabrique du réalisateur, apporte une émotion à la fois authentique et intense au récit.
Artistiquement parlant, Z. Mayer fait le choix d’épurer au maximum toutes formes de sons, qu’il s’agisse de la BO ou des dialogues des personnages, comme si l’image suffisait à transporter toutes les émotions du film. Un pari audacieux, mais qui a plutôt tendance à fonctionner puisqu'on finit en fait par recréer ces émotions à partir des scènes hors-champ et des non-dits (par exemple la scène des mains lors de la cérémonie funéraire qui dégage beaucoup d'émotion tout en ne disant rien). « Voyage en Chine » est, sommes toutes, un film sobre mais intense, glaçant mais chaleureux, écrasant mais rédempteur, un joli paradoxe et un sacré tour de force !