De tous les romans d'Aravind Adiga, Le tigre blanc est sans nul doute le plus connu, et peut-être le plus radical, mais certainement pas son meilleur, La sélection, par exemple, faisant preuve de davantage de subtilité dans sa représentation de l'état de la société indienne. L'adaptation du Tigre blanc pourra impressionner ceux qui ont peu fréquenté le cinéma de la plus grande démocratie du monde, pas celui de Bollywood s'entend, mais celui de Satyajit Ray, Guru Dutt ou, plus récemment Mira Nair, et qui méconnaissent sa riche littérature. Difficile, en tous cas, de valider cette vision très tranchée d'un livre fleuve qui, au contraire du film, a le temps d'emporter sur un tapis d'émotions contradictoires et de tisser une toile faite de motifs trop nombreux pour être retranscrits intégralement au cinéma. C'est la supériorité reconnue de la littérature sur le 7ème art et l'évidente vérité qu'un bon livre donne rarement un long-métrage satisfaisant, au contraire d'un ouvrage médiocre qui peut aboutir à un film d'excellente facture. Les exemples ne manquent pas pour corroborer cette assertion. A partir du moment où l'irréparable est commis dans Le tigre blanc, plus rien ne fonctionne dans le récit, surtout pas l'humour noir ou le cynisme. Quant à l'idée de départ, cette lettre à un dirigeant chinois, si elle a une place de choix dans le roman, elle est peu ridicule dans le film de Ramin Bahrani et ne conduit nulle part. Malgré tout, il faut féliciter Adarsh Gorav, l'acteur principal, renversant de bout en bout, qui assure le minimum d'intérêt à une œuvre qui abuse de la voix off et parfois d'un montage trop clinquant, façon Slumdog Millionaire.