Je le dis d’emblée, je ne suis pas très James Bond.
Je n’ai vu que 4 James Bond au cinéma et suis ressorti à chaque fois peu emballé.
A la téloche, l’espion 007 n’est donc pas ma priorité. Je peux même m’en passer.
Puisque j’ai la possibilité de tous les voir, je vais me contraindre à parfaire ma culture 007.
D’où une naïveté parfois volontaire et sincère.
« Skyfall »
23ème épisode réalisé par Sam Mendes, une référence.
Je ne l’avais pas vu soit 18 sur 23.
Quand je dis que James Bond n’était pas ma priorité…
Ce qui n’est plus le cas…
Ça commence fort, très fort.
Une silhouette avance dans un couloir sombre, et ce que j’ai deviné par sa morphologie, apparaît, c’est James Bond. Il se préoccupe d’un agent grièvement blessé, il applique un vêtement pour ralentir l’hémorragie mais dans son oreillette on l’intime de ne pas s’attarder, il doit récupérer un disque dur sur lequel une liste d’agents seraient infiltrés dans des organisations criminelles.
Dehors, il est rejoint par une femme au volant d’un 4x4 et poursuit le type qui est en possession de ce disque.
S’ensuit une course poursuite en voiture, en moto dans Istanbul, sur un train, dans une pelleteuse arrimée à un wagon dans laquelle James Bond est aux commandes.
Pour la première fois, il est atteint d’une balle à l’épaule droite
; parallèle au train, suit la jeune femme au volant de son 4x4.
Pendant ce temps, le fugitif parvient à séparer le train en deux parties. Peu importe, James Bond crée un pont en prolongeant le bras de la pelleteuse qui s’accroche au wagon précédent ; s’ensuit un corps à corps sur le toit du train lancé à pleine vitesse.
James Bond a beau être blessé, il se bat sans le moindre rictus de douleur !
La jeune femme abandonne son 4x4 pour tenter d’abattre le nommé Patrice (Ola Rapace) ; difficile de le viser, elle doit agir vite car le train va disparaître sous un tunnel ; à l’oreillette, M ordonne de tirer quoi qu’il en coûte.
Oups ! James Bond est touché et fait une chute dans le fleuve pour disparaître sous les courants d’une cascade.
Le générique est sombre comme les fonds marins du fleuve où James Bond s’enfonce ; une cible à son effigie apparaît avec l’impact à la poitrine d’où s’échappe son sang ; sombre comme un cimetière où des poignards se plantent au milieu des tombes dessinant des croix ; sombre comme le sang qui se ramifie dans les profondeurs du fleuve et du corps humain formant une tête de mort. Il y a bien quelques silhouettes féminines nues qui agrémenteront ce générique morbide interprété par Adèle.
Une des plus beaux génériques de la saga.
On retrouve M préparant la nécrologie de son agent ; elle ne sait quoi écrire. Elle l’espère vivant.
Elle est convoquée chez Mallory (Ralph Fiennes) responsable des services secrets et de la sécurité intérieure ; il lui signifie son départ à la retraite. Elle refuse et veut accomplir son ultime mission.
Elle n’est pas encore remplacée, qu’on se le dise !
L’heure est grave, le QG du MI6 a été non seulement piraté mais en partie détruit par une bombe.
Dans la voiture officielle qui ramène M et Tanner (Rory Kinnear) au QG, ils parlent, pour la première fois depuis l’ère Daniel Graig, de Q.
Pour autant, quand Q nous est présenté dans un musée en compagnie de 007, James Bond n’est pas gadgétisé.
C’est Ben Whishaw qui a l’honneur d’interpréter un des personnages iconiques de la franchise.
Un Q jeune, « boutonneux » pour reprendre les sarcasmes de Bond.
Quand Bond réapparaît chez M, il a le visage épuisé et les yeux rougis par ses blessures, par sa convalescence alcoolisée, par une colère sourde pour avoir été ciblé et abandonné. M lui fait remarquer que c’est le lot de tous les agents et ne tient aucunement à présenter ses excuses. Il fallait agir.
Sous entendu, ça passe ou ça casse.
En parlant de James Bond aux yeux rougis, au corps épuisé, affecté émotionnellement, on n’aurait jamais pu l’imaginer de l’ère Sean Connery à Timothy Dalton.
On le devine avec Pierce Brosnan et encore plus dans sa dernière apparition « Meurs un autre jour » où il semble s’humaniser.
Déjà dans « Le monde ne suffit pas », Bond était atteint émotionnellement par Elektra King (Sophie Marceau).
Est-ce le fait que M soit une femme ?
Une pure coïncidence mais les missions de James Bond commencent à affecter le coeur de celui-ci.
Depuis que M est interprétée par Judy Dench, les relations paraissent quelque peu tendues, voire conflictuelles avec les James Bond Pierce Brosnan et Daniel Graig. Ce qui n’était pas le cas avec Bernard Lee ou George Brown.
Maintenant, comme l’ère Daniel Graig constitue un reboot, je suis bien obligé de laisser tomber celui interprété par Pierce Brosnan.
Pour autant, M a confiance en son agent même si elle ne le dit pas ouvertement.
Quand elle annonce à Bond qu’il a satisfait d’un cheveu aux résultats physiques et psychologiques, devant Mallory discrètement médusé, elle a menti !
Si cela ne s’appelle pas la confiance, alors…
M et Bond ont une relation étrange, mêlées de reproches et de respect.
Ils s’apprécient sans oser se l’avouer.
Même s’il la traite de « morue » au cours de son test psychologique !
Les saillies verbales entre eux deux sont assez goûtues.
Le méchant de service revient à Javier Bardem alias Raoul Silva ; son vrai nom est Tiago Rodriguez, un ancien agent du MI6 devenu cyber terroriste.
Il a une dent, sans mauvais jeu de mot, contre MI6 et contre M en particulier. Il lui reproche de l’avoir abandonné.
Il n’a jamais cédé sous la torture et en avalant sa pilule de cyanure sa mâchoire a été endommagée.
Enfermé dans sa prison de verre, il dévoile son visage déformé en retirant sa prothèse.
Une scène impressionnante tant j’ai ressenti sa douleur, douleur physique et morale.
« Trahison » est le mot employé par Silva à James Bond quand celui-ci est son prisonnier.
La scène d’introduction de Silva est un plan séquence. Silva apparaît au font d’une pièce profonde, en ruine, et entame un long monologue tout en se dirigeant vers Bond.
S’ensuit une conversation des plus étonnantes jamais vue dans un James Bond.
La conversation menée par Silva a des accents homosexuels.
Sa façon de dégrafer un bouton de la chemise de Bond pour découvrir sa blessure, la main qui caresse avec précaution le corps de Bond et les deux mains plus assurées sur les cuisses de Bond ne prête pas à confusion même si la mise en scène se veut prudente.
Jeu ou sincérité ?
Le mythe James Bond serait-il déconstruit, mot à la mode ?
L’était-il en 2012, année du film ? Je n’en suis pas sûr.
En tout cas 007 semble s’en amuser :
« Qui dit que c’est ma première fois ? »
Libéré de ses liens, son visage se durcit soudainement comme soulagé des attouchements.
Silva, premier James Bond Boy ?!!
Javier Bardem campe un personnage complexe, tourmenté, sincèrement meurtri d’avoir été abandonné par M.
Oui, je le crois sincère.
Il a été reconnu excellent agent et n’a pas supporté l’ingratitude du MI6 ; et ce cyanure qui ne l’a pas tué n’a fait que renforcer sa détermination à se venger.
Toutefois, quand il est face à M, on le sent troublé, déséquilibré entre son obsession de la tuer et l’affection qu’il ressent pour elle.
M comme mother, maman.
Je crois que c’est le meilleur méchant de toute la saga. Comme tous les méchants, il relève de la psychiatrie mais comparé à ces prédécesseurs, il n’est pas animé de mégalomanie, le fait de provoquer le désordre mondiale par un simple clic informatique paraît secondaire, c’est la trahison de M et du MI6 qui l’affectent le plus.
Comme disait Alfred Hitchcock : « Plus réussi est le méchant, plus réussi sera le film ».
« Skyfall » est un film sombre comme ce générique. Sombre comme le visage de James Bond, yeux rougis, mal rasé.
Il n’est plus au centre du récit car M et Silva occupent son espace.
A travers M, c’est la saga qui semble remise en question avec la présence de Mallory d’une part et la commission menée par la ministre d’autre part ; des mots ou expressions comme « obsolète », « d’un autre temps » sont employés.
L’avenir de James Bond et du service double Zéro sont par là-même menacés.
Tout repose sur M et accessoirement sur Bond.
Pour autant Sam Mendes ne fait pas table rase du passé comme semblait le faire Martin Campbell dans « Casino Royale » ; Sam Mendes rééquilibre la saga en récréant le lien avec le passé, entendez la mythologie.
Exemple avec la mythique Aston Martin DB5 dans laquelle Bond emmène M dans le manoir de son enfance nommé Skyfall.
« Et ça, c’est la discrétion même ! » s’étonne M.
Sous-entendu que cette voiture née sous « Goldfinger » est connue de tous, spectateurs compris !
L’Aston Martin DB5 dans « Casino Royale » était gagnée au poker, elle était un clin d’oeil au passé, mais avec Sam Mendes, « Skyfall » s'inscrit dans la mythologie.
Côté James Bond Girls : une, deux ou trois voire quatre ?! J’exagère !
Avec ce reboot / Daniel Graig, je crois qu’il faut reconsidérer la Girl.
L’opus précédent nous présentait une Camille qui était la première Girl à ne pas coucher avec Bond.
Pourtant, elle était estampillée « James Bond Girl ».
Donc, « Skyfall » nous présente Bérénice Marlohe, une franchie ! J’avoue ne pas connaître du tout cette actrice sous les traits élégants de Séverine. Elle s’inscrit bien dans l’univers bondien. Dans son comportement, elle a su jongler avec subtilité entre la peur et l’assurance. Dommage qu’elle n’ait pas eu plus de temps de jeu.
La jeune femme au 4x4 ?
Elle révèle son nom en commençant par l’inverse de James Bond ; elle commence par son prénom :
« My name is Eve, Eve Moneypenny ».
Sam Mende confirme ce que j’écris plus haut : il récrée du lien avec le passé de la franchise. Après Q, il nous présente enfin
Moneypenny interprétée par Naomie Harris.
Il en a fait une femme de terrain.
Pour autant, le réalisateur ne l’invite pas dans la couche de 007. Comme ses prédécesseurs, il préfère jouer sur l’ambiguïté, le mystère, le badinage.
J’ajouterai sans aucune ironie M.
Indéniablement, elle peut s’estimer une Girl emblématique de la saga.
Sa disparition, émouvante permet à Mallory de lui succéder.
Si « Casino Royale » garde la tête de la franchise, « Skyfall » se place tout juste derrière en détrônant « Demain ne meurs jamais » en ce qui me concerne.
A voir en V.O pour Judy Dench et le jeu tout en subtilité de Javier Bardem.