50 ans, ça se fête ! A cette occasion, c’est le réalisateur Sam Mendes (American Beauty, Les Noces Rebelles) qui s’est collé à la mise en scène et il y a clairement apposé sa touche personnelle. En effet, Ce 23ème volet de la saga James Bond est beaucoup plus centré sur la psychologie des personnages même si on a, bien sûr, notre quota indispensable de scènes d’actions et autres cascades spectaculaires. Dans cet épisode, on y retrouve un Bond qui n’a jamais été aussi fébrile et humain. Après Casino Royale où double zéro était une machine de guerre presque à l’épreuve des balles, son armure se fissure pour notre plus grand plaisir dans ce dernier opus. Côté scénario, c’est beaucoup moins original. Manifestement, même la franchise James Bond ne peut malheureusement pas échapper aux sirènes actuelles liées au piratage informatique (Die Hard 4, MI4 Ghost Protocol).
Une autre de mes insatisfactions concerne le montage qui, bien que laissant une place inédite aux dialogues, provoque parfois des incompréhensions pour ne pas dire des frustrations : pour ne prendre qu’un exemple, après le saut de l’ange de l’agent 007 en début de film, l’ellipse, qui nous fait le retrouver après le générique d’introduction dans les bras d’une jeune femme dont on ignore l’identité et qui disparaît aussitôt, est, à mes yeux, maladroite. Et que dire du nouveau Q peu charismatique et boutonneux (Dixit Bond lui-même) qui, malgré ses qualités de hacker surdoué, ne parvient absolument pas à nous faire oublier le cultissime Desmond Llewelyn et ses bons vieux gadgets high tech. Quant au scrip-t, si l’humour typiquement british, qui fait son grand retour, seyait parfaitement aux incarnations précédentes de 007 (Pierce Brosnan, Roger Moore, Sean Connery), ça sonne, à mon avis, définitivement faux dans la bouche de Daniel Craig.
Dans le registre des jubilations, honneur aux dames. Je me dois de citer la chanson originale «Skyfall» écrite (En collaboration avec Paul Epworth) et prodigieusement interprétée par Adele pleine de gravité, d’intensité et de grâce. Et que dire du générique d’introduction aquatique et abyssal qui nous embarque d’emblée dans les méandres des blessures les plus profondes de l’agent 007. Au rayon des incontournables James Bond girls, pas grand-chose à se mettre sous la dent : la Française Bérénice Marlohe, malgré son joli minois et sa plastique parfaite, n’a clairement pas le charisme d’une Ursula Andress ou même d’une Eva Green. Simple faire-valoir de Raul Silva (Joué par Javier Bardem), elle n’a sans doute pas pu montrer la pleine mesure de son talent.
Quant à Judi Dench, indéboulonnable M, patronne du MI6 depuis 1995, début de l’ère Brosnan, elle est égale à elle-même, c’est-à-dire toujours aussi chaleureusement glaciale à l’égard de l’agent double zéro. Mise à mal à la suite d’une opération ratée, et placée sur un siège éjectable par le nouveau directeur de l’ISC, Gareth Mallory (Interprété par Ralph Fiennes), on découvre l’actrice, dont le rôle est au cœur de l’intrigue, plus vulnérable et beaucoup plus présente aux côtés de James Bond qu’à l’accoutumée. La plus grande réussite de ce 23ème opus est, sans conteste, la prestation exceptionnelle du «villain» campé par un Javier Bardem transcendé tout comme il l’a été dans la peau de Anton Chigurh dans No «No Country for Old Men». Motivé par une soif de vengeance contre M à qui il voue une haine freudienne, Raul Silva (Son nom dans le film), blond peroxydé jusqu’aux sourcils et bisexuel assumé, est incarné avec virtuosité par le protégé de Pedro Almodovar.
Ce cinquantième anniversaire nous offre aussi quelques beaux clins d’œil. Au menu des réjouissances, l’Aston Martin DB5 que l’on retrouve avec bonheur dans «Skyfall» après sa toute première apparition entre les mains de Sean Connery dans «Goldfinger». On passe tout de suite au dessert avec le retour de Miss Moneypenny disparue depuis «Meurs un autre jour» (Incarnée par Samantha Bond en 2002). Pour conclure, revenons sur la grande polémique qui a alimentée la sortie de ce 23ème épisode : la fameuse séquence du «gun barrel» (canon de révolver) fera-t-elle son retour en début de film comme le veut la sacro-sainte tradition ? Je préfère vous laisser le découvrir. Bilan de ce volet anniversaire ? Un scénario aux impressions de déjà-vu mais un Daniel Craig à fleur de peau qui fait montre de tout son talent d’acteur dans l’exercice de sensibilité auquel Sam Mendes l’a soumis. Et bien sûr un Javier Bardem dont la performance a tout autant tiré vers le haut un «James Bond» divertissant qui, bien qu’explosant tous les records au box-office, n’est, selon moi, certainement pas le meilleur de la saga.