Je n’aurais jamais pensé donner la note maximale à un James Bond, aimable divertissement aux histoires souvent embrouillées. Mais ça, c’était avant l’arrivée de Daniel Craig et l’orientation réaliste de la franchise. Dans « Skyfall » (on trouve la signification du titre à la fin du film), Daniel Craig incarne une fois de plus à la perfection l’agent 007 ; tel que l’aurait voulu, je pense, Ian Fleming son créateur. En effet, élégant et stoïque, notre blond aux yeux bleus est un vrai tueur porté sur les femmes, le jeu et l’alcool. L’histoire, classique au premier abord, s’avère en réalité plus intimiste puisqu’il s’agit
d’une vengeance personnelle contre M.
Des idées inédites viennent secouer la franchise
(la mort présumée de Bond, ses imperfections et ses doutes, le déménagement des bureaux du MI6 dans les souterrains de Churchill, etc.).
Cet épisode revêt une importance capitale pour la série. Avec subtilité, il lève le voile sur
l’enfance
de notre agent secret
(le manoir familial en Écosse, le garde-chasse de la famille, la tombe des parents Bond
et beaucoup d’autres informations intéressantes). De la mégapole de Shanghai aux landes écossaises, la photographie faite de lumières sophistiquées et de jeux d’ombres est sublime. « Skyfall » navigue avec habileté entre tradition (le retour de
l’Aston Martin
, peu de gadgets : « pas de crayon explosif » comme le dit le jeune Q mais un
Walther PPK fonctionnant aux empreintes des mains ainsi qu’une radio miniature)
et modernité (l’informatique, les nouvelles technologies). Mais surtout, le film donne à réfléchir sur l’évolution des services secrets face aux dangers du monde moderne. En tant que représentants du système en place M et James Bond sont-ils devenus obsolètes ? Les nombreuses scènes d’action sont toutes impressionnantes de réalisme, sans effets pyrotechniques inutiles
(les poursuites à Istanbul avec les motos sur les toits et le duel sur le train, dans le métro londonien à l’heure de pointe, le combat dans la fosse aux varans géants à Shanghai, l’attente des tueurs dans le manoir en Écosse façon « Le train sifflera trois fois », etc.).
Javier Bardem campe le plus beau méchant de la série, à la fois complexe, tordu et terrifiant. J’ai éprouvé de l’empathie pour lui car ses motivations ne sont pas totalement illégitimes
(la capsule de cyanure qui lui a saccagé la mâchoire, la manière dont M traite ses agents).
Et il n'y a pas à dire mais Daniel Craig et Javier Bardem à l’écran, ça a de la gueule. Enfin, les dernières minutes révèlent les identités de personnages emblématiques de la série
(Miss Moneypenny ici en jolie black et le nouveau M).
Cela préfigure de nombreuses aventures à venir. Il a fallu attendre cinquante ans pour qu’un film pose les bases de la franchise. C’est chose faite avec celui-ci.