Le cinéma Hollywoodien a pris goût aux ténèbres ces dernières années. Particulièrement depuis que l’ombre du Chevalier Noir a rencontré le sourire du Joker en 2008, avec plus d’un milliard de dollars de recettes à la clé. C’est à la mode, c’est tendance, les sagas d’autrefois doivent être réinventées et injectées de Lexomil. Il est donc temps pour la vénérable série Star Trek, jusque-là temple inviolé de l’anticipation positiviste, de rentrer dans les ténèbres et si possible de rapporter davantage de billets verts.
La pacifique Fédération est sous le choc : la Terre est la cible d’attentats perpétrés par le mystérieux terroriste John Harrison (Benedict Cumberbatch, qui a oublié son charisme à la BBC). Ce dernier se réfugie en plein cœur de l’empire Klingon, avec lequel les relations diplomatiques sont tendues. L’équipage de l’Enterprise, qui a un problème personnel à régler avec Harrison, s’engage donc dans une dangereuse mission secrète pour le traquer.
Le talentueux J.J. Abrams nous avait présenté ce nouvel univers trekkien d’une caméra aérienne et bondissante dans son Star Trek de 2009. Un opus drôle et léger, malgré la destruction d’une planète entière dans son second acte, qui était à mille lieues de la pesanteur qui afflige le blockbuster hollywoodien moderne. Star Trek Into Darkness contient encore quelques traces de cette énergie qui anime le pont opalescent de l’Enterprise mais elle se fait trop rare. De son aveu, Abrams n’a jamais été un amateur de Trek mais ici il est tombé dans un piège mortel : celui de vouloir plaire aux fans. Ceux-là même qui voient toujours dans le ringard mais charmant Star Trek : La Colère de Khan (1982) le summum de la série. Into Darkness est donc un quasi remake de cet opus « fondateur » mais Abrams oblige, il fallait dissimuler la surprise et ne surtout pas révéler que le fameux Khan était présent.
Le réalisateur multiplie les lourdeurs scénaristiques sensées protéger une révélation monumentale que les fans ont vue venir des années en avance et dont les néophytes (à qui s’adresse en priorité ce reboot de la série) ne comprendront pas l’importance. Une maladresse parmi d’autres, dans ce film qui nous présente une nouvelle Fédération plus martiale qui décore dorénavant ses vaisseaux en noir et en fait des navires de guerre. S’enchainent le décès de certains personnages fondateurs, un équipage plus larmoyant que jamais (pauvre Uhura, déprimée pendant tout le film), Spock qui s’énerve sévèrement et un teasing vers un troisième opus qui devrait être encore davantage belliqueux avec le débarquement des sanguinaires Klingons.
Sous la caméra du très sérieux et poncif Nolan cela aurait peut-être fonctionné. Mais Star Trek Into Darkness est un film qui renie constamment la flamme, l’énergie et l’identité même de son réalisateur. Abrams reste néanmoins un faiseur efficace, même dans les pires circonstances. Le film remplit donc sa charte du spectaculaire tel un élève modèle : action solide, rythme haletant, humour parsemé de çà et là malgré tout, personnages attachants, etc. On sent pourtant que le casting est également en manque de dynamisme, eux qui nous avaient surpris par leur justesse et leur humour dans le précédent film sont désormais figés. A l’exception de Simon Pegg et Karl Urban, aucun acteur à l’écran n’a le droit à la légèreté.
Star Trek Into Darkness est donc le parfait rejeton du Hollywood moderne. Un film propre, sans grands défauts, avec de bons acteurs, bien réalisé mais avec un manque d’imagination et un besoin de sérieux qui lui retire tout charme et l’empêche de devenir mémorable.