Les cinq premières minutes m'ont fait frémir : oulah, un plaidoyer pour les étrangers persécutés par l'Etat crypto-fasciste, aïe aïe aïe, avec comparaison entre Résistants et militants pro-sans papiers plus que limite, attention à la guimauve simpliste socialo tendance Emmanuelle Béart. Bon, heureusement, très vite le scénario se complexifie, comme les personnages du reste, et l'ensemble est un vrai régal. Les dialogues sont savoureux, l'intensité ne baisse jamais, l'humour est là et on évite le pensum politique tout en restant très ancré dans le réel et le social : du cinéma français comme je l'aime. Je trouve même ça un peu risqué, car c'est typiquement le genre de film dont le propos pourrait ne plaire à personne, puisque finalement il évite le piège de l'angélisme en n'hésitant pas à montrer une immigrée fort peu sympathique. Certains pourront trouver que le personnage est un peu caricatural, mais ceux qui connaissent un peu les pays ex-communistes ne seront pas du tout surpris par cette femme agressivement prête à tout pour s'en sortir et assurer un avenir à sa fille, en utilisant le premier pigeon venu. Cela dit, les autres aussi en prennent pour leur grade, après tout, pourquoi ces enfants ne laissent pas leur père finir sa vie comme il l'entend et veulent absolument le maintenir dans sa condition de vieillard ? Il y a là une part incontestable d'égoïsme, voire de jalousie. Voilà donc un film à voir, très riche dans ses propos. Seul vrai défaut, Karine Viard, nullissime, mais je suis pas objectif, c'est un rejet quasi physique chez moi, je supporte pas du tout cette actrice, qui, peut-être, est très douée en fait...Luchini, lui, par contre, s'est souvenu qu'avant de devenir sa propre caricature il avait été un bon acteur dans une vie antérieure, et son jeu - excellent, bravo à la réalisatrice de l'avoir canalisé - domine l'ensemble du casting. Le voir en outre déclamer "ce type est un réac, je peux pas le supporter", lui qui récite du Céline et du Muray sur scène, voilà qui est assez savoureux !