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Plume231
3 893 abonnés
4 639 critiques
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3,0
Publiée le 19 juillet 2010
Un film à l'atmosphère poétique qui se veut d'une grande originalité mais qui au final reste paradoxalement très conventionnel à cause d'une intrigue très prévisible. Le réalisateur a fait beaucoup mieux dans le reste de sa filmographie mais une belle mise en scène. Reste trois points forts, Louis Salou qui excelle dans le rôle de la crapule poétique, Madeleine Sologne dont la blondeur glacée prête facilement à la fascination dans celui de l'aveugle et bien sûr le monument qu'est Erich Von Stroheim dans un de ses personnages complexes dans lequel il est comme toujours magistral. Ce sont les trois seuls véritables raisons de regarder ce film de l'immédiat après-guerre, mais elles valent sans conteste le détour.
Le film de Pierre Chenal est une curiosité en ce qu'il emprunte à divers modes d'expressions cinématographiques. Mélange de baroque, de réalisme poétique puis, au dénouement, d'expressonnisme, cette histoire d'amour doublée d'une intrigue de type policier puise son originalité dans son éclectisme-même. La relation amoureuse entre Frank Davis (Erich von Stroheim), un homme déjà agé et dévisagé, et Jeanne, jeune fille aveugle -deux êtres déshérités et isolés- nait puis existe sur le mode des amours poétiques et prédestinées, à la manière du duo Prévert-Carné. Elle s'en détourne pourtant quandspoiler: Jeanne recouvre la vue, incident qui introduit le dénouement dramatique (comment recevra-t-elle la laideur de son époux?) tout en consacrant le caractère philosophique de ce conte triste. Car la profession de Davis constitue une jolie allégorie. Procurant à sa femme adorée le luxe d'un homme fortuné qu'il n'est pas, spoiler: ce fonctionnaire intègre et concepteur de billets de banque sera dans la nécessité de se corrompre dans la contrefaçon, une malhonnêteté qui n'est pas sans noblesse mais qui, avec la révélation d'un tempéramen jaloux, entrainera la déchéance amoureuse de Davis . Ce thème constitue l'intérêt majeur du film, surtout que l'interprétation d'Erich von Stroheim, quoique minimaliste, est fascinante (on n'en dira pas autant de sa partenaire Madeleine Sologne, un rien emphatique). Pierre Chenal construit plus ou moins habilement cette oeuvre foisonnante tant par ses attitudes stylistiques que par la diversité de ses idées. On lui reprochera cependant un certain manque de rigueur, une façon d'expédier trop vite certaines étapes du récit, en raison même de cette richesse.