Davantage une nouvelle adaptation du roman de Charles Portis qu'un remake de la première, Cent dollars pour un shérif (1969), ce nouveau film des frères Coen, oscarisés trois ans plus tôt pour No Country for Old Men, illustre l'inauguration d'un genre encore méconnu par les deux réalisateurs. N'en déplaise à certains cinéphiles et comme l'affirment les frères Coen eux-mêmes, No Country for Old Men n'était pas un western. Nous avons donc ici l'arrivée de ces deux réalisateurs de génies dans le genre parfaitement cinématographique du western.
Mattie Ross (Hailee Steinfeld) est une adolescente de 14 ans à la recherche du fuyard qui a lâchement tué son père. Contrainte à se venger par ses propres moyens, la téméraire et courageuse Mattie devra convaincre le Marshall Reuben Cogburn (Jeff Bridges) de la suivre dans cette quête, et ce en dépit des préjugés portant sur son innocence et son inexpérience. Devant affronter à la fois l'assassin de son père, les hors-la-loi qui l'accompagnent, et le paternalisme isolateur du Marshall et du Texan LaBoeuf (Matt Damon), Mattie Ross ne reculera devant rien pour venger son père.
Porté par un binôme d'acteurs à la notoriété établie (Jeff Bridges et Matt Damon), la grande révélation de ce film reste la jeune et intrépide Hailee Steinfeld. Pour sa première apparition dans un long-métrage, cette actrice précoce éclaire l'oeuvre d'un aspect ambigu, entre l'innocence et les idéaux d'une jeune fille ainsi que la maturité exceptionnelle d'une femme en devenir. Ce n'est d'ailleurs pas pour rien que la toute jeune actrice a reçu pas moins de sept récompenses pour sa prestation. Notons également celle de Jeff Bridges dans la peau d'un marshal borgne et ivre, mais doté d'une humanité incontestable. L'acteur est tellement impliqué dans son rôle qu'il réalise lui-même ses propres cascades, notamment lors de la scène du quatre contre un.
Néanmoins, en dépit de la qualité de ces performances artistiques, la bande-originale du film, composée par Carter Burwell, dont il s'agit de la quinzième coopération avec les frères Coen, est trop effacée et ne reflète ni l'univers du western, ni celui de cette quête dangereuse de vengeance. En revanche, le clin d’œil à la Nuit du Chasseur (1956) avec la musique finale Leaning on the Everlasting Arms, en plus de révéler l'influence de ce film sur les frères Coen, mérite une récompense à lui tout seul.
En parlant de récompenses, il est intéressant de signaler que True Grit a été le grand perdant des Oscars 2011. Avec pas moins de dix nominations, dont celles du meilleur film et du meilleur réalisateur, aucune d'entre elles n'a consacré ce western, certes maladroit sur certains points, mais d'une qualité à l'image de celle que sont capables de fournir les frères Coen. Cette désillusion est telle qu'elle inscrit True Grit à la troisième place des films les plus nominés repartis sans récompenses, juste derrière le Tournant de la vie en 1978 (11 nominations et aucune récompense) et la Couleur pourpre en 1986 (11 nominations également et aucune récompense non plus). Toutefois, en dépit de cet échec et pour rassurer le binôme fraternel, les critiques des spectateurs et de la presse sont très positives. D'ailleurs, il s'agit là du plus gros succès financier de la carrière des deux frères, avec une recette mondiale de plus de 250 millions de dollars pour un budget de "seulement" 38 millions.