Si l'on m'avait dit un jour qu'une fillette de quatorze ans serait l'héroïne d'un western je n'y aurais pas cru un seul instant. Je n'aurais pas davantage cru en sa réussite. Et pourtant, voir un monde de brutes régit par les codes de la force et de l'honneur à travers les yeux d'une adolescente insolente, indépendante, drôle, sensible et attachante, c'est ce qui fait de True Grit une œuvre unique, campée sur des bases solides. Bien que je n'ai pas été emballé par la voix-off occasionnelle ou la fin du film, je dois avouer que j'ai passé un très bon moment devant cette nouvelle production Cohen, qui déterre un film âgé de plus de quarante ans pour notre plus grand plaisir.
Qu'on se le dise tout de suite, la qualité du film réside uniquement dans la relation naissante entre les personnages, que ce soit le duo insolite composé de Mattie Ross et de Maugrey Fol-œil (désolé mais la ressemblance est trop frappante) ou l'intrus Mr.LaBoeuf. Les dialogues sont écrits avec beaucoup d'habileté, chargés d'humour, parvenant à décrisper une histoire en soi assez tragique, puisque la petite qui n'a peur de rien vient de perdre son père et s'apprête à perdre son bras. La chasse à l'homme qui s'instaure, de sa préparation à son exécution, est la partie la plus jouissive du film. Entre jeux de pistes, rencontres fortuites et crises d'égo, difficile de ne pas prendre son pied devant le pragmatisme des personnages.
Matt Damon et Jeff Bridges incarnent à la perfection les leurs, si bien que nous ne sommes même pas choqués de les voir avec des gueules aussi amochées. Quant à la jeunette du crew, Hailee Steinfeld, elle nous est très sympathique, pas toujours géniale, mais elle donne vie à son personnage avec une certaine réussite, parvenant à tenir la dragée hautes aux mâles qui en imposent, aussi bien en tant que personne qu'en tant qu'actrice. Sa naïveté couplée à sa détermination sans commune mesure en font la vraie bouffée d'air frais du film. Il faut bien concéder que c'est sur cette sympathie créée par les personnages que repose notre sourire et notre enthousiasme plutôt que sur le scénario. L'histoire est classique et l'intérêt suscité dans les deux premiers tiers s'estompe quand on comprend que la fin va être un assemblage de scénettes parfois plaisantes, souvent maladroites (une piqûre de serpent, really ?). Il est vrai que le dénouement de ce périple aussi bien que l'épilogue qui y fait suite n'est pas à la hauteur de nos espérances. La déception n'est cependant que minime puisque la magie a opéré bien avant et qu'elle ne se dissipe pas aussi facilement.
Les frères Cohen proposent donc un western qui sait se montrer jouissif par moment, et qui doit son succès en grande partie à ses dialogues et à ses personnages attachants plus qu'à son histoire somme toute banale. Les plans larges nous plongent dans une Amérique désertique avec brio, les plans serrés nous font profiter de la tension épisodique, tandis que la BO et les fondus enchaînés rendent hommage à un cinéma quelque peu éprouvé et has been en 2010 ; mais ce n'est pas un défaut, au contraire, ça ajoute cette magie si particulière au film. True Grit est donc un bon moment de cinéma comme je les aime, pas la pépite à laquelle on aurait pu s'attendre, mais on ne va pas bouder notre plaisir non plus...