Wang Chao est un homme intéressant. Débutant sa vie comme ouvrier, remarqué par Chen Kaige qui le prend comme assistant, il se fait connaître par de formidables films sociaux, donnant à voir la réalité pas toujours belle de la Chine d'aujourd'hui: "Voiture de luxe", "Jour et Nuit" qui se passait dans l'univers cruel, sans pitié, des petites mines. Ici, Wang Chao change d'univers. On est dans la bourgeoisie urbaine; les femmes sont belles, et couchent, les hommes (chirurgiens) conduisent de grosses berlines. Sizhu a été la maîtresse de l'un, a épousé finalement Li -lorsqu'on l'extrait d'une voiture en miettes, à côté d'un autre homme, c'est le choc. Elle s'en sort - ayant perdu la mémoire récente. Son cerveau a effacé tout ce qui a suivi ce pique nique au bord d'un lac où elle a choisi Li. Celui ci décide alors de faire comme si, de revivre avec Sizhu ces années abolies, jusqu'à remettre en scène un faux mariage, avec la même robe, les mêmes alliances. Vous vous dites: mais c’est un soap américain ! Ajoutez que la musique passe de Ravel à Astor Piazzola (car l'amant, Chen Mo, est professeur de tango) et vous vous dites: où est la Chine? Rassurez vous: elle est bien là. Dans la beauté des lacs et des parcs, dans la lenteur de la narration, dans la délicatesse avec laquelle sont noués tous ces fils de soie. Pour que l'expérience soit concluante, Sizhu doit aussi revoir Chen Mo, "tu sais ce que tu risques? Et si elle retombe amoureuse de lui?" demande l'ami. "Eh bien, c'est que cela sera le destin", réponds Li. La prégnance de la pensée bouddhique est évidente. Les acteurs sont magnifiques. Yan Bingyan (Sizhu) est sublime. Naiwen Li (Li), magistral. Sa sobriété est exemplaire. On ne vous dira pas si le destin gagne. Ce qu'on vous dit, c'est qu'au cours du film, les fils de soie se referment doucement, et que vous êtes envoûté. On est ailleurs. Il faut aller voir tous les films de Wang Chao, si vous voulez comprendre quelque chose à la Chine