Fort de son passé de flic, Olivier Marchal signe avec beaucoup de maîtrise encore une fois un polar sérieux. Sauf que cette fois, il franchit la ligne pour se positionner du côté des gangsters, une bande organisée de braqueurs connue sous le nom de "Le gang des lyonnais", une organisation redoutable qui aura commis plusieurs braquages retentissants à travers toute la France, sans jamais avoir de sang sur les mains, et ridiculisant du même coup les forces de police. Cependant Olivier Marchal a pris quelques libertés avec la réalité, ce qui a l’avantage de démystifier un peu le gang. D’ailleurs le personnage de Serge Suttel est purement fictif. Ces libertés prises constituent plus ou moins la résultante d’un souhait avéré de complexifier le scénario, et il y est parvenu le bougre ! Tant et si bien que le gang semble être rattrapé par son passé (d’où la petite phrase sur l’affiche : "Un voyou en sommeil reste un voyou"), avec une chute de l’histoire assez inattendue, d’autant plus surprenante qu’elle me parait peu probable. Attention, je n’ai pas dit impossible, car certains sont prêts à toutes les éventualités pour sauver leur peau. La fin réserve donc quelques coups de théâtre appréciables, et c’est bien plus agréable que d’avoir affaire à du convenu. La psychologie des personnages est bien implantée, par l’intermédiaire de flash-back, énumérant par la même occasion quelques faits d’armes d’Edmond Vidal (dit "Momon") et de son équipe. Cependant ces allers et retours entre le présent et le passé peuvent déranger du fait de leur grand nombre, et on pourrait se dire que le film aurait pu être décliné en diptyque comme cela fut fait pour le biopic sur Mesrine. Ceci dit ils présentent l’avantage d’être bien différenciés par le contraste qu’offre l'écart entre l’époque d'aujourd’hui et celle des années 70. Un contraste appuyé par un tournage au ton sépia sur les scènes seventies. Si "Les lyonnais" ne se révèle pas aussi passionnant que "36 Quai des Orfèvres", il se révèle néanmoins suffisamment captivant pour ne pas voir passer les 102 minutes. En plus d’une photographie particulièrement soignée et intéressante, Gérard Lanvin campe ce gangster avec un charisme que je ne lui connaissais pas : énorme. On sent qu’en vieillissant, son personnage a beaucoup appris de la vie, et semble définitivement posé, calme, réfléchi, humble, viril, tout en étant guidé par les grandes lignes directrices de la communauté dont il vient : le code d’honneur sur la parole et l’amitié. Un rôle qui propulse Gérard Lanvin comme étant l’une des plus grandes figures du cinéma français. Bien que l’absence totale de ressemblance est choquante, il ne faut pas oublier non plus celui qui a interprété Edmond Vidal plus jeune, j’ai nommé Dimitri Storoge, à mi-chemin entre la forte personnalité de Mesrine et la future sagesse de son personnage devenu presque soixantenaire. Pour le coup Tchéky Karyo s’en retrouve plus ou moins éclipsé, alors qu’il fait une entrée en scène remarquable. En dépit de ses rares apparitions à l’écran, Valeria Cavalli apporte de la consistance et contribue à humaniser Momon. Il en résulte un bon divertissement, parfois violent (côté gangsters comme policiers), dans le plus pur style d’Olivier Marchal.