On vous passera la version détaillée de la production chaotique et à rallonge du film, gestation de 8 ans tout de même, It est passé de scénaristes en scénaristes, d’un metteur en scène à un autre (Cary Fukunaga - la série « True Detective S.1 - est tout de même celui qui a le plus travaillé dessus avant de se faire éjecter). Le roman culte (surtout aux USA) de Stephen King allait se voir réserver une cure de jouvence en comparaison de la version TV, la mini série de 1990, qui a pris un sacré coup de vieux (rediff. multiples sur M6, ça vous dit quelque chose !?!). Pour ceux qui n’auraient pas lu le livre, il s’avère à l’origine difficilement adaptable en l’état, fait de flashbacks, comme de sujets développés en dehors de l’histoire principale, beaucoup de psychologie (cachée ou suggérée), une œuvre somme. Il faut donc faire des choix, ici les producteurs ont décidé de faire deux films bien distincts avec la jeunesse des protagonistes, la phase suivante sera donc celle des adultes. On perd dès lors toute une part des qualités narratives du livre mais adapter au cinéma c’est aussi faire des choix.
Une fois ça en tête, il s’avère que It est emprunt de qualités multiples avec seulement quelques défauts. Le public US (comme la critique) a salué cette adaptation, carton au box-office, bon point, ça … ? Ce qui surprend finalement, c’est d’avoir réussit à capter les principaux points du livre et les mettre aussi bien en image.
Ainsi, les détours psychologiques du roman qui sont, entre autres, au cœur de la perte de l’innocence, sont traités avec une justesse fictionnelle crédible autant dans l’écriture des personnages que dans leur interprétation, les jeunes comédiens sont tous épatants et justes. On pense évidemment à Stand by me (autre adaptation de King), l’intrigue à en outre été transposée dans les années 80, choix plutôt judicieux qui passe très bien, permet d’être dans l’air du temps (retour en force de cette décennie) et implique des clins d’oeil léger à cette époque (décor, dialogues), sans être trop appuyés, lourds et qui font parfois respirer le film à travers des notes d’humour « ado ».
La peinture peu valorisante de l’Amérique est bien là, à l’échelle de cette petite ville avec ses figures représentatives négatives de ce que peut être l’homme, ici, les parents, le caïd plus vieux, le pharmacien vicieux ; le tout suggéré parfois, comme plus appuyé à d’autres moments. Le film étant classé R-17 aux Etats-Unis permet d’aller effectivement plus loin dans l’aspect Lovecraftien du film (maître littéraire de Stephen King) comme de flirter un peu plus avec l’immoralité. Côté frisson, on retrouve l’essence, l’ambiance, qu’on trouvait déjà dans la série, avec ce traitement de la peur qui est toujours présent. Moins impactant que dans le livre mais d’une efficacité surprenante, où tout est accordé pour contribuer à cela. Oscillant de décors naturels à gothiques (le réalisateur de Mama est à l’œuvre et cela se sent) It livre son lot de séquences effrayantes avec seulement quelques loupés. Quant à Pennywise (Grippe-Sou) il est la figure même du mal qu’on attendait, interprété par Bill Skarsgard, le comédien à travers un maquillage parfaitement diabolique comme enfantin et joueur, créer une vraie identité à cette icône maléfique. Jouant en outre avec des effets numériques et mécaniques (visage et corps) la prestation du comédien ne s’en veut que plus terrifiante et folle.
Adaptation assez fidèle du livre, It est une belle réussite, déplaçant le contexte loin de la coulrophobie classique, et tendance, en recentrant le récit sur l’essence même du roman où Pennywise (Grippe-Sou) était, entre autres, avec moins d’ampleur ici, le vecteur représentatif des peurs humaines et autres métaphores qu’osait critiquer le livre en filigrane.
Même si encore aseptisée on s’approche un peu plus sur ce coup d’essai qui s’en sort bien grâce à son aspect artistique à défaut d’avoir su capter toutes les subtilités, la profondeur, la perversité et autres allégories psychologiques et sociales que proposait l’œuvre littéraire originale. En attendant le chapitre deux… ce n’est déjà pas si mal.