Subjectivité assumée, Andrea Arnold aborde la société du point de vue de l’héroïne, Mia, 15 ans, vivant dans un HLM anglais avec sa sœur et sa mère dont le quotidien est rythmé par les insultes et les conflits. A cet « aquarium » (Fish Tank signifie littéralement « aquarium ») qui lui sert de cadre de référence, Mia a trouvé un exutoire : la danse.
Andrea Arnold crée au sein du film une ambivalence magnifique : d’un côté, elle montre tout, n’élude rien, ne réduit rien à l’évocation ce qui donne au film une certaine grisaille (de décor, de béton, de tons…), et de l’autre, elle contrebalance cette grisaille par des éléments de clarté, par un imaginaire solaire qui donne au film une allure de conte (le cheval, le lac, la mer, les points de fuite où émerge la lumière et ce, principalement lors des scènes de danse).
Esthétiquement irréprochable, "Fish Tank" a le luxe de sonner juste, de ne pas en faire trop (comme c’est parfois le cas chez un Ken Loach) et du portrait brut de cette écorchée vive émane des instants de grâce et d’envolées poétiques. Les mouvements du corps sont à eux-seuls des preuves matérielles de cette poésie que l’œuvre propage comme en témoignent les scènes de danse, la cambrure de Connor dans la scène de la cuisine ou la sensualité qui se dégage de la scène du lac. Chaque mouvement est montré comme une lutte : une lutte pour la liberté, pour un avenir meilleur, pour la possibilité d’aimer, pour se relever des claques de la vie, pour grandir sans trop se perdre. Une lutte de soi dont la société semble faire écran. Dans sa volonté de regarder ses protagonistes au plus près (on pense forcément aux frères Dardenne, à Loach et un peu aussi à Gus Van Sant dans son travail de « chroniqueur des troubles de l’adolescence »), Arnold s’attache à ne jamais stigmatiser et rend une certaine innocence à ces êtres qui niveau défauts se posent là. A ce titre, Connor (le magnétique Michael Fassbender) et Mia (la révélation Katie Jarvis) sont les deux exemples les plus représentatifs du film.
"Fish Tank" fait partie de ces œuvres dont il est inutile de chercher à souligner les défauts, les longueurs et les « aurait pu » tant il offre quelque chose de neuf, assez unique et poétique.
Fish Tank est un petit bijou cinématographique, admirablement réalisé et interprété avec finesse. Avec Katie Jarvis, une comédienne est née, Michael Fassbender s’est imposé comme une évidence à mes yeux et Andrea Arnold incarne le cinéma moderne, la relève du cinéma anglais.