2019 aura décidément été, pour le cinéma français, une année riche en fantômes : après Vif-Argent et L’Angle mort, voici venir Les Envoûtés, dernier long métrage de Pascal Bonitzer qui s’intéresse lui aussi à la présence de l’absence pour Coline, une jeune citadine parisienne – Paris continue d’apparaître telle la ville de l’errance, de la solitude et des spectres – envoyée dans les Pyrénées pour rencontrer un artiste, Simon, qui dit avoir vu le fantôme de sa mère disparue. À partir de ce canevas simple se met en place une relation amoureuse qui conjugue la jalousie au fantastique pour aboutir à un objet hybride et désincarné dans lequel les corps flottent devant des paysages magnifiques, font l’amour passionnément et se repoussent dans la rue en poussant des cris. Car à y bien regarder, le seul envoûtement dont dispose le long métrage est celui de ses deux acteurs principaux et de l’alchimie charnelle qu’ils trouvent l’un avec l’autre : le corps fragile de Coline, celui plus robuste de Simon, unis par leurs tatouages qui semblent les raccorder à un langage secret et magique. Notons également ce personnage attachant de voisine espagnole qui marche pieds nus dans la rue et qui accompagne l’initiation de son amie. Cette présence du corps est confrontée, par un soin accordé à la composition des plans, au vide ou, mieux, à l’invisible : manger assise à la table, une assiette vide en face de soi ; rêver d’un surgissement spectral dans la cuisine ; regarder par la vitre du train des étendues défiler à toute vitesse. Le cadre réaliste dans lequel s’inscrit le film diffuse une atmosphère étrange, à l’instar de cette araignée que l’on écrase dans la baignoire et qui refait surface sur le plafond de la chambre, comme indice ironique de la folie qui guette (littéralement, « avoir une araignée au plafond »). S’il souffre néanmoins d’une approche trop théorique et clinique des passions et des fantasmes qu’il met en scène, Les Envoûtés prolonge la réflexion sur les modalités et expressions d’une absence présente, recourt pour cela à un dépouillement formel, quasi austère, comme moyen privilégié de figurer l’invisible.