Les oeuvres maritimes - et je ne parle pas de “Pirates des Caraïbes�, bien sûr - je crois que la dernière fois que j’ai posé les yeux sur l’une d’entre elles, c’était “Master & commander� avec Russell Crowe, et ça doit faire dans les quinze ans. Survivance d’une fascination juvénile pour les galions aux voiles gonflées, les mousses soumis au supplice de la planche et les escales à Valparaiso, ce genre de production part toujours avec un petit avantage concurrentiel en ce qui me concerne : je peux regarder pendant très longtemps des types escalader des cordages et briquer le pont, des officiers tout blinquants de boutons dorés scruter l’horizon à la longue-vue et des quartier-maîtres lancer des ordres dans un vocabulaire maritime qui m’échappe totalement (“Souquez la morille vers le gougnaffier et la bobinette cherra�, des trucs du genre). “Au coeur de l’océan� me semblait d’autant plus prometteur qu’il concernait le légendaire “Moby dick�. Enfin, pas tout à fait : il ne s’agit pas de l’adaptation du Classique littéraire de Herman Melville mais plutôt de l’adaptation d’un bouquin relatant les événements qui ont inspiré l’écrivain pour l’écriture de son chef d’oeuvre, soit le naufrage du baleinier Essex, dans les années 1820, suite à l’attaque d’un cachalot particulièrement vindicatif, et les actes désespérés auxquels furent acculés les naufragés pour survivre. A l’instar du roman de Melville, “Au coeur de l’océan� aborde cette chasse au léviathan comme un prétexte à l’exploration de plusieurs autres thèmes. Moins métaphysique que son modèle, le film s’attarde quand même sur l’opposition entre la naissance et la mérite, qui s’incarne dans l’antagonisme entre le capitaine et son second, ou sur l’exploitation déraisonnable des ressources naturelles, le cétacé pouvant alors être considéré comme la mesure de rétorsion mise en place par la nature pour brider l’arrogance de l’humanité. L’intention est louable mais fatalement, “Au coeur de l’océan� aborde ces sujets comme le ferait n’importe quel film hollywoodien du 21ème siècle : sans vraiment creuser plus loin que la surface, en se satisfaisant de quelques généralités et en restant suffisamment vague pour ne pas détourner le spectateur du spectacle. Ce dernier, entre tempête tropicale, attaque du cachalot, errance océanique sur des canots de fortune et lutte pour la survie sur un îlot inhospitalier, se montre il est vrai assez généreux, et on est finalement assez heureux de retrouver ce type de films d’aventure “à l’ancienne� en cette ère de super-héros et d’ados survivalistes en zone distopique, sans compter que “Au coeur de l’océan� offre également un aperçu convaincant du côté à la fois héroïque et proche de l’inconscience de la chasse à la baleine telle qu’elle se pratiquait il y a 200 ans. Néanmoins, comme il était très clair que le film avait pour ambition de jouer sur plusieurs tableaux (Oeuvre patrimoniale, Classique d’aventures, drame vaguement philosophique,...), il est difficile de s’avouer totalement convaincu par le résultat.