Après l’honorable Rush, Ron Howard revient avec une thématique nettement plus commerciale, un brûlot qui revisite le mythe de Moby Dick, roman d’Herman Melville, un auteur intégré ici au récit comme étant un témoin sur le tard de la légende. Délaissant donc la rivalité sportive, voici que le metteur en scène revient s’adresser au large public, comprenez aux adolescents et consommateur lambda de récits d’héroïsme formatés. Pour revisiter ce fragment de culture populaire, le réalisateur d’Apollo 13, de Da Vinci Code, met les petits plats dans les grands, du moins à sa manière, en embauchant une vedette passe-partout, bellâtre pas toujours convaincant, en s’assurant un budget conséquent, post-production et CGI obligent et en amorçant une campagne publicitaire qui n’aura pas à rougir de la concurrence. La machine est lancée et le public, avide de ce type de produits, trépigne d’impatience. Mais qu’en est-il vraiment de ce film d’aventure numérique?
Eh bien, pour ne pas revenir sur le récit de Melville, récit dont je ne connais que peu de choses, le film d’Howard peine sincèrement à retranscrire la prétendue légende. Le combat de l’homme, l’espèce s’entend, et du cachalot géant, monstre marin mystérieux, n’est qu’un argument de vente. Oui, le centre d’intérêt, ici, pour celui que cela ne gêne pas, ce n’est pas mon cas, c’est Chris Hemsworth et son attitude héroïque parfaitement préfabriquée. Oui, qu’importe Moby Dick, qu’importe l’époque, la reconstitution et j’en passe, il ne semble y avoir de place que pour ce ténébreux héros en carton-pâte, cet archétype de la bravoure incarnée qui se confronte, outre à la baleine géante, au mépris de sa hiérarchie, à la force de la nature et à tout ce qui se mettra en travers de son chemin hollywoodien. Si Ron Howard, sur Rush, ce fût le cas de Michael Mann pour Hacker, était parvenu à faire de Chris Hemsworth un personnage de son film, tel qu’il devait l’être, ici, ce même réalisateur, ne parvient pas à exploiter à bon compte toutes les faiblesses de l’interprétation de celui qui ce fût connaître dans le costume de Thor. Comprenez, Chris Hemsworth est irritant, pompeux et dénature à lui tout-seul une bonne part des intentions initiales du metteur en scène.
Coté visuel, ce fût un argument lors de la promotion du film, Ron Howard alterne entre les jolis coups, les quelques petits éclairs de génie, la 3D n’étant pas inutile, ce qui est un bon début, et une certaine médiocrité alors qu’il est parfois dépassé par une surdose massive de CGI. On ajoutera à cela, là encore c’est du bon ou du mauvais, l’exagération des contrastes et surtout ce filtre sépia permanent, à la fois verdâtre et jaunâtre, qui pourrait tendre à irriter l’œil. Des partis-pris, donc, qui parfois sont payants, parfois non. Un inégal produit de consommation de masse, donc, qui satisfera la majorité mais rebutera les autres.
On ne retiendra finalement que peu de chose de cette revisite. En effet, nous aurions souhaité nous passer des errances visuelles en numérique, de l’insupportable capitaine héroïque qu’incarne Hemsworth, nous aurions apprécié plus de profondeur dans l’écriture des personnages et par-dessus tout, nous aurions aimé que Moby Dick soit réellement au centre des évènements. Mais peut-on demande cela à Ron Howard? Je pense malheureusement que non, le cinéaste étant un enfant du cinéma pop-corn et malgré quelques coups d’éclats, dans sa carrière, ce film reflète assez bien le niveau de sa prestation générale. Vous avez entre huit et seize ans, vous accompagner vos enfants au cinéma ou sur le canapé du salon, vous êtes un amateur de guimauve, allez-y. Pour les autres, pas la peine de s’y attarder. 06/20