Il faut avouer que ce documentaire mais longtemps à s'installer, et sortir de la dimension d'un bon reportage "national géographique" sur grand écran. Le réalisateur l'a d'ailleurs tournée sur plus de 2 ans. Les protagonistes pourraient être perçus non sans une certaine cruauté banale, ces cow boys/garçons vacher même si ici ce sont des moutons, sont un peu une sous main d'oeuvre employé à la corvée, on est loin de Clint Eastwood, ils sont attirés par la solitude de la transhumance en pleine nature, un peu asociaux, seuls, ces mâles en manque d'amour ayant une tendance très symbolique à féminiser les moutons, leurs filles, qui ne répondront jamais à toutes leurs insultes, autrement que par leur instinct grégaire têtu. Mais au fil du temps, des plans larges où l'homme est réduit à la taille d'une fourmi pendant que le son n'est pas coupé et qu'il est quasiment la seule voix humaine dans l'immensité magnifique, une solitude plus infinie, cruelle, et implacable, sublime et indifférente, à laquelle ils se frottent, Dame Nature, rend tout cela dérisoire, ainsi que nos sourires narquois, et il se passe quelque chose de bien. Attention spoiler: l'un des cow boys, un peu trop vieux, un peu trop plouc inadapté, vieux garçon dans l'âme, à la fin de cette tradition dont il est le dernier représentant old school, et qui s'éteindra avec lui, ayant marqué le paysage de l'ouest américain, plus que tous les C.Eastwood réunis, se retrouve face à la question que l'on connaît tous, "et maintenant que vais-je faire?", surtout à la fin d'un contrat pas forcément renouvelable, et si demain ne peut pas se clore comme un livre, hier, pendant des mois, réduit en un souvenir, une impression souveraine, il l'a fait, ça. Habité.