Je précise déjà que je ne savais absolument pas à quoi m’attendre, la surprise fût donc totale. Mon avis contient des spoilers, je me vois mal traiter d’un film comme celui-ci, d’une durée de 4 heures, sans en dévoiler certaines parties (pas forcément toutes très importantes).
Le film est relativement difficile à évaluer pour moi. En fait je le décomposerais en plusieurs parties, plutôt inégales. J’ai trouvé le début assez long et décevant, l’introduction était très étirée (25 minutes environ), autant dire que ça ne partait pas très bien. Puis le film avance tranquillement et au fur et à mesure l’intrigue et les rebondissements deviennent clairement plus intéressants. Disons que la partie que j’ai préférée est celle qui va de l’heure du film à 2h30 à peu près, soit jusqu’à ce que Keiko retourne la famille de Yu et de Yoko et la convertisse dans son église. En revanche, j’ai trouvé la dernière partie (1h15 environ) assez frustrante. Pourquoi ? Parce que le virage opéré par le cinéaste m’a désagréablement surpris. En fait le film arrive à brasser de multiples genres différents avec une insolence désarmante durant une bonne partie, puis il chavire dans une sorte de calvaire très dur, dont le spectateur se retrouve témoin malgré lui, un peu à la manière d’une longue descente aux enfers. En soi, ce n’est pas un reproche, mais j’ai trouvé qu’elle était bien trop étirée, presque sadique par moment, et j’ai eu l’impression de perdre cet élan assez explosif et jouissif présent dans la première partie. A ce moment, je me suis senti comme prisonnier, presque soumis à une forme de torture décadente qui, si elle ne perdait rien de sa maîtrise, tranchait radicalement avec ce que l’on pouvait voir avant. Honnêtement, la partie durant laquelle toute la famille se reconvertie dans l’église est celle qui m’a le plus dérangé, celle à laquelle j’ai le moins accroché. Cependant, je dois admettre qu’elle contribue à donner aux toutes dernières scènes une puissance véritable, mais il aura fallu attendre.
Tant que je suis dans les reproches j’en profite pour évoquer un autre point qui m’a par moment dérangé. Il s’agit du montage. Là encore pendant une bonne partie du film il faut reconnaître qu’il fait preuve d’une grande inventivité, qu’il inscrit un rythme soutenu et permet au spectateur de ne pas lâcher le fil de l’histoire (en ce sens il complète bien les multiples rebondissements), seulement j’ai parfois pensé qu’il était trop « cut », trop découpé, trop rapidement. Mais pas suffisamment pour sortir du film heureusement.
Les bons points là dedans ? Il y en a, c’est sûr. En fait il y en a même beaucoup. Le premier me semble être naturellement la mise en scène et surtout l’inventivité (encore une fois) des prises de vues et des rebondissements, mais également le mélange des genres relativement bien équilibré (petit exploit de ce côté). Bref, un style unique et osé que j’apprécie, et qui est vraiment le tour de force du film selon moi.
J’ai beaucoup aimé l’utilisation de la musique (très présente), elle accompagnait très bien les situations. De même, les acteurs sont très bons (Yu et Yoko, surtout), dynamiques, justes. Ils dégagent une fraicheur constante et contribuent eux aussi à maintenir le spectateur concentré, même pendant 4 heures. Ma préférence irait tout de même à l’actrice qui joue Yoko, que j’ai trouvé assez impressionnante (oui) lors des monologues qu’elle faisait face à Yu (sur la plage notamment, en récitant le passage de la Bible). Très belle surprise de ce côté.
Voilà en gros, je vais éviter d’aborder tous les points parce que ça serait trop long (mais je suis sûr d’en oublier, ça va m’énerver). Love Exposure est un objet unique, souvent jouissif, inventif, drôle, touchant (parfois bouleversant même). On passe d’un sentiment à un autre (y compris la frustration, pour l’aspect désagréable). Le talent de ses interprètes et l’audace insolente dont il fait preuve en fait un film singulier et très attachant. Honnêtement on ne sent pas du tout les 4 heures passer.
Une très belle surprise donc, qui n’est pas exempt de défauts, c’est certain (montage parfois trop découpé, quelques scènes qui provoquent un sentiment de frustration assez désagréable, on se dit que le film passe peut être à côté de quelque chose sur le coup), mais qui amène avec talent, audace et une bonne dose d’émotions un vent de fraicheur dans notre quotidien cinématographique (sans que l'on sente le poids des 4 heures, ce qui est assez incroyable).
Et ça, au fond, c’est sûrement l’essentiel.