Grégoire Vigneron raconte comment il a écrit le scénario avec Laurent Tirard : " Nous parlons énormément ensemble. Nous faisons des fiches, une par scène, que nous accrochons au mur, ce qui nous donne une vision concrète du film. Manipuler ces fiches nous permet une approche dynamique de l'histoire et constitue déjà une forme de montage. C'est un processus assez âpre, mais qui permet d'obtenir une structure solide. En dernier lieu, nous rédigeons les dialogues. Écrire un film pour moi-même est plus compliqué car je suis assez indécis. Laurent est très conceptuel et, lorsque nous écrivons pour lui, tout notre travail consiste à ramener de la matière humaine, en creusant le sujet. Pour avoir travaillé avec d'autres, nous nous rendons compte qu'il existe quelque chose de très précieux entre nous : nous sommes complémentaires. Sans clairement savoir sur quel terrain cela se joue, nous avons toujours tendance à dire que Laurent est synthétique et que je suis analytique. "
Ce qui intéressait Laurent Tirard et Grégoire Vigneron dans ce personnage avait trait à la morale. " Nous avons tous besoin de justice, explique le cinéaste. Nous voudrions que l'effort soit récompensé, qu'à un comportement donné corresponde une réponse adéquate, que les choses finissent bien pour les bons. Hors, dans la vraie vie, les choses ne se passent pas ainsi (...) C'est un film sur le scrupule, le remords, le doute et la confiance en soi. Est-ce que je mérite ce qui m'est donné ? C'est effectivement au moment où Etienne va réussir que le remords devient le plus douloureux. Et c'est à ce moment qu'il retrouve Patrick, une sorte de double pulsionnel, déchaîné, qui refuse tout compromis. Patrick passe à l'acte tout le temps. La rencontre avec lui bouscule Etienne, le fait passer à l'acte pour essayer de réparer ce qui le gêne, au risque de tout perdre... "
Comme l'explique Grégoire Vigneron, Sans laisser de traces est construit comme une démonstration mathématique. " Dans l'équation de la réussite donnée au départ par la voix off, il est question de travail et de talent, mais aussi de chance, raconte le cinéaste. La chance est un élément que l'on ne maîtrise pas, comme le hasard ou la coïncidence, et c'est insupportable pour les êtres humains. C'est ce que le film raconte. Mais est-ce une démonstration ? En tout cas, c'est un enchaînement implacable. Chaque scène est irréversible. Ce film est basé sur la tension entre les gens. L'histoire crée un problème majeur et on n'élude pas le conflit. Le film est construit sur un certain nombre de face-à-face dont quelque chose doit sortir, et c'est ainsi que l'on avance. La pression qui s'accentue sur le personnage principal est la forme que nous avons trouvée pour valoriser tout le potentiel d'un sujet sur la conscience. "
Pour Grégoire Vigneron, Benoît Magimel s'est imposé rapidement pour le rôle d'Etienne, car il a la puissance et le charisme pour jouer un tel personnage. " On s'attache à lui, même s'il a commis des fautes. Je savais que Benoît pourrait incarner ce personnage qui doit toucher, susciter l'empathie pour donner envie de le suivre, raconte le cinéaste. Benoît est très charismatique. J'avais une grande confiance dans sa capacité à capter la sympathie du public, sans aller la chercher. Je souhaitais travailler avec lui dans la sobriété, avec cette espèce de neutralité dans le jeu qui respecterait l'écriture, suffisamment construite pour décrire la mécanique qui avance, qui progresse comme un piège qui se referme sur le personnage. "
D'ordinaire habitué à jouer des rôles de comédie, François-Xavier Demaison interprète ici un personnage peu recommandable, qui plus est dans un thriller, registre auquel il ne s'était jamais frotté jusqu'à présent. " François-Xavier Demaison, que je connaissais depuis Le Petit Nicolas, m'a paru tout à fait capable d'assumer ce personnage, raconte le cinéaste. Le couple François-Xavier/Benoît apporte une incongruité qui sert parfaitement l'histoire. Cela me plaisait car, contrairement aux apparences, ce film comporte un aspect de comédie, avec quelque chose de jubilatoire. Nous avons cherché à donner une vraie épaisseur et une vraie sincérité au personnage de Patrick. D'abord aux lectures, puis au tournage, François-Xavier a donné une cohérence au personnage, il l'a fait coïncider avec sa propre personnalité. Du coup, son personnage est touchant, parce qu'il est sincère. Travailler avec lui était un vrai bonheur. Son jeu est suffisamment large pour assumer les aspects les plus drôles ou les plus inquiétants du personnage. "
Avant le tournage, Grégoire Vigneron et le directeur de la photo Laurent Dailland se sont mis d'accord sur le format Scope. Ensuite, à chaque plan, chaque découpage, chaque mise en place, ils ont réfléchi en termes de cadre et de focale. " On a souvent utilisé des longues focales, raconte le cinéaste. Les confrontations champ / contrechamp en longue focale me paraissaient plus élégantes. Pour les décors, je cherchais un vrai standing, en particulier pour le loft d'Etienne avec sa vue panoramique. J'étais toujours plus à l'aise avec des décors épurés. Dans certains cas, comme chez Fleur, il a bien fallu remplir un peu. Je me figurais une grande ville froide avec une architecture faite de lignes claires, harmonieuses, au milieu desquelles les humanités créent le désordre. Certaines scènes, comme celle où Etienne rend visite à ses parents, d'origine modeste et rurale, en deviennent d'autant plus significatives (...) Le film traduit cela visuellement, c'est un mélange entre la rectitude des lignes, la froideur des ambiances et l'intense chaleur des émotions humaines. "
Sans laisser de traces s'est intialement intitulé Indélébile.