Métaphore sur les dérives du capitalisme avec la lente fin d'un capitaine d'industrie financière trop occupé à spéculer pour comprendre la réalité de son monde. Le film s'ouvre sur une toile de Pollock, et se refermera sur une toile de Rothko, deux des toiles parmi les plus chères vendues au monde, symbolisant ainsi les valeurs du monde capitaliste qui s'envolent et l'humanisme avec. La société capitaliste broiera cet arriviste pour laisser place aux suivants. Eternel recommencement.
L'histoire suit le cheminement d'une limousine blanche blindée au travers d'un New York futuriste où la population en proie à la misère manfifeste violemment sa rancoeur.
A son bord Eric Packer, jeune golden boy fraichement marié à une très jolie blonde héritière d'une des plus grandes fortunes du pays. Ce n'est pas la présence du président des USA dans les rues de la ville qui va l'empêcher de se rendre chez son coifffeur, bien que Torval,son homme de sécurité, le lui déconseille.
En chemin il recevra d'autres collaborateurs, comme lors d'une journée habituelle de travail, cherchant à valider sa prise de risque dans une affaire de spéculation sur le yuan (devise chinoise).
Bien qu'il soit détenteur de l'information avant les autres, il ne pourra rien arrêter car le monde continue d'avancer, avec ou sans lui.
Adaptation du roman éponyme de Don DeLillo paru en 2003, le film de David Cronenberg reste certainement fidèle au roman car les dialogues sont nombreux et parfois littéraires.
La principale prouesse du réalisateur réside dans le tournage de plusieurs scènes dans la limousine, sorte de bureau mobile bénéficiant des dernières technologies, et donnant à son propriétaire le sentiment d'être invulnérable. Chaque scène procure alors une sensation d'immersion dans un monde feutré (celui de la finance, des dirigeants) et permet simultanément d'apercevoir un autre monde qui s'agite, en proie à des convulsions générées par le monde d'en haut. Ces différentes plongées sont particulièrement bien réussies, elles saisissent et renforcent la notion de dualité entre ceux qui possédent l'information et ceux qui ne l'ont pas. Le monde extérieur est aussi invité à l'intérieur du véhicule (la vendeuse de tableaux, le médecin, l'assistante faisant son jogging) pour apporter les éléments vitaux de la vie (sexe, maladie, désir).
Le film ressemble sur la forme à Crash, également adapté d'un romain visionnaire. On a souvent du mal à comprendre les enjeux à partir des seuls discours tenus par les personnages. Mais les scènes s'enchainent et viennent apporter leur flux d'informations explicatives comme autant de maillons constituant une chaine, celle de la vie. Les scènes de sexe sont toujours aussi charnelles chez Cronenberg mais ici les protagonistes sont plus dans des rapports de domination alors que d'ordinaire les personnages de Cronenberg s'accouplent pour se perpétuer.
Beaucoup de symbolisme. Une bonne trouvaille : la limousine qui représente le corps de Packer, elle sera revisitée par les graffeurs, joli clin d'oeil aux toiles contemporaines. Telle un corbillard, elle ramène le jeune Packer, à la réalité (la sienne) sur le lieu de son enfance (le coiffeur), et il demande plusieurs fois : où vont dormir les limousines la nuit ? Est ce prémonitoire ?
Ce film est particulièrement jubilatoire car il n'offre pas d'explications toutes faites, les dialogues sont abscons, on a du mal a les comprendre. Dans le même lieu et dans le même univers la limousine se déplace dans un silence galactique, les amateurs de cinéma d'action aimeraient que tout cela accélère, et bien au contraire la voiture ralentit, s'arrete, baisse la vitre pour laisser entrer les bruits d'une ville moderne où les gens s'affrontent dans la quête de richesses synonymes de pouvoir et de survie. La preuve qu'il s'agit d'un grand film est que l'on se sent transporté sans savoir vers quoi l'on va, mais une fois celui-ci terminé on ne cesse d'y repenser afin de décoder les scènes qui au premier abord peuvent se montrer austère, car le jeu des acteurs est volontairement froid, mais qui sont le reflet d'une très bonne direction d'acteurs. Du grand cinoche qui nécessite un peu d'efforts pour se révéler, et toujours quelques scènes magistralement vues par l'un des maîtres actuels du 7ème art.