Ce film est un ovni cinématographique. Pointu par son thème et surtout par son traitement, il fait le pari de l'âpreté et se refuse au plaisir.
La question de savoir si on aime ou pas est presque hors de propos. L'intérêt est ailleurs, après, autrement...
D'une certaine façon en nous plaçant dans une situation d'inconfort, le film nous rapproche de ce que peuvent vivre ces personnes auxquelles on annonce une maladie mortelle : une forme de sidération, de difficulté à penser, à juger, à éprouver.
En tant que public, nous voici décalés. Nous ne pouvons adopter la posture si appréciée du spectateur de mélodrame, celle où on aime pleurer à chaude larmes. Pas plus ne pouvons nous nous intéresser de façon documentaire à la chronique d'un fin de vie annoncée.
Ni jugement, ni complaisance dans la distance narrative adoptée : une tension entre deux écueil judicieusement évités, l'idéalisation et la dramatisation.
Le film ose nous dire que pour certains, la fin de vie ne réalise pas une débauche de réconciliations, d'acceptation et de sérénité. Il ose nous montrer que la maladie ne rend pas forcément aimant ni aimable.
Pour autant, le film ne nous décrit pas de calvaire, de situation insoutenable ou exceptionnelle : c'est bien de la banalité d'une vie qui s'achève dont il est question.
Inéluctable, cette fin de vie s'inscrit dans la continuité et la cohérence de ce que l'existence a été.
C'est peut être cela qui rend le film terrible : aucun des artifices classiquement utiles pour échapper de ce constat lucide n'est mis à notre disposition.
Deux personnages, Julia et Marine, sont aux prises avec une vie dont elles peinent à trouver la douceur. Gauches, maladroites, froissées et froissantes, sur la défensive parce qu'il semble qu'elles se sont toujours senties menacées, il y a chez elle une capacité à la misère que rien ne semble pouvoir empêcher.
Emmanuelle Beart et Hafsia Herzi sont remarquables chacune dans la densité et l'épaisseur qu'elles donnent à leur rôles. Elles réussissent à faire passer les émotions contrastées, les paradoxes permanents qui prennent au piège leurs personnages.
Le film nous raconte leur rencontre, improbable et pourtant logique : la violence de l'irruption du cancer interrompt ce qui ressemblait à une solitude inéluctable et définitive. Dans cette trêve, la rencontre est possible puisqu'elle sera éphémère.
Cet apprivoisement est comme une nouvelle capacité à exister, cette fois en relation, aussi ténue ou imparfaite soit-elle-on vient de loin!
Cet accompagnement, permet à Julia de mourir comme probablement elle n'aurait jamais pû le faire et à Marine de reprendre le cours de sa vie, non plus en gardant seulement la tête hors de l'eau, mais en ayant appris à nager...