Après le triomphe non négligeable de The Dark Knight, tout de même le deuxième plus grand succès du box-office américain, nous retrouvons Christopher Nolan deux ans après avec cette autre grosse machine qui se laisse définir tant bien que mal comme un film d'action nerveux et musclé mâtiné de prétentions oniriques voire philosophiques.
Certes, il y avait dans la notion des rêves emboîtés dans d'autres rêves matière à produire quelque chose de fécond. Assumant son statut de blockbuster, Inception dispose en plus d'une série d'atouts importants: un impressionnant casting, une armada d'effets spéciaux, une équipe de 34 cascadeurs convoquée, un gros budget de 200 millions de dollar... Mais au final force est de constater que le regard vert flamboyant d'un Di Caprio comme d'habitude excellent et l'armada d'effets spéciaux exploités ne servent qu'à camoufler la vacuité flagrante d'un scénario dont les vraies idées tiennent sur un timbre-poste et d'une philosophie de pacotille, qui se contente d'évoquer très vaguement Freud et ses écrits sur les rêves.
Évidemment des bonnes idées traversent ça et là le film, tels des éclairs fulgurants. Ainsi parlons des échos obsédants qui reviennent de façon marquante, comme le leitmotiv de la toupie, l'air de "Non, je ne regrette rien" de Piaf entamé à plusieurs reprises, ces combats en apesanteur, cette image au ralenti d'un camion sur le point de tomber dans l'eau, ainsi que les différentes strates du rêve qui se superposent de façon parfois fascinante. Le passé de Cobb (les hésitations répétées de sa femme décédée, Mall, pour se tuer; avant le passage à l'acte final) fait résurgence de façon douloureuse, entrecoupé par les rêves dans le présent, et d'un complot dont on ne comprend pas grand'chose et dont au final on n'a pas trop cure.
Mais au lieu d'exploiter à fond ces différentes sphères (réalité, mémoire, résurgence du passé, rêves emboîtés), Nolan verse (trop) souvent dans la facilité. Filmer Di Caprio en costard cravate pendant que la Tour Eiffel pointe le bout de son nez à l'arrière-plan, tomber dans l'esthétique d'une pub' de luxe en montrant les bâtiments et les objets attenant au café Debussy éclaboussant l'écran de partout, ou bien encore nous asséner trois quarts d'heure de fusillades et de scènes d'action tout droit sorties d'un jeu vidéo (les scènes dans la neige, les courses-poursuites furibondes, bien que parfois agréables à suivre, dans des rues); cela relève d'une façon générale de la facilité et de la gratuité.
Et quand à la fin de ce dédale labyrinthique de 2h20 bien complexe et dense en niveaux de lecture et histoires principales et secondaires - mais cependant pas toujours intéressantes (surtout cette histoire de complot ennuyeuse à mourir) - Christopher Nolan se contente de nous servir un simple happy-end bêlant où Cobb retrouve enfin ces deux enfants chéris, James et Philippa; on a envie de nous faire rembourser nos billets.
Pourtant, à y réfléchir Inception vaut quand même bien le coup d'oeil, malgré ses facilités et ses lacunes de blockbuster estival. Il faut dire qu'il rend très bien sur le grand écran (le voir au cinéma est ainsi impératif) et qu'il offre le plus souvent un divertissement regardable avec une esthétique de publicité ou de jeu vidéo. Mais n'ambitionnait-il pas plus?