Quelle prétention de la part de Nolan. Son film respire du début à la fin une prétention rarement égalée par un réalisateur. Mais là où Lynch pourra exceller, à donner de l’ampleur et un côté énigmatique, Nolan n’a pas cette finesse d’esprit. Je m’explique. Il est évident que le film a été travaillé pour qu’une cohérence émane du film, ou du moins un sentiment de cohérence plus qu’une réelle cohérence. Sorti du film, un seul sentiment m’a animé, le fait d’être resté de côté sans qu’à aucun moment Nolan n’ait pu m’emmener avec lui. Et pourquoi ? Car je pense qu’il a voulu trop bien faire, et qu’avec cette quête de la perfection, il en a oublié l’élément à mon sens fondamental, l’émotionnel. Le film est (semble) bien ficelé et c’est cet esprit de séduction en présentant un système supposé sans faille que Nolan nous présente. Ce que se passe sous nos yeux, malgré le fait que ce soit une fiction totale, nous est présenté comme logique, une logique quasi cartésienne. On passe d’un niveau à l’autre sous une fausse complexité du scénario et des éléments perturbateurs animant les rêves sujets au film. Nolan prend bien le soin, comme un pédagogue, de nous donner les clefs du film afin de comprendre comment tout cela peut être possible et c’est cette démarche à laquelle je n’adhère pas, cet esprit de séduction pour « contraindre » le spectateur à se dire « Que c’est bien trouvé, franchement, c’est crédible et bien ficelé ». Ces clefs là à mon sens ne s’offrent pas sur un plateau et pourtant Nolan prend tout son temps pour par exemple nous expliquer la démultiplication du temps lorsqu’on passe d’un niveau à un autre de rêve, ou encore le fait qu’on garde la sensation de chute, ou bien encore qu’on ne se souvient comment on est arrivé dans un rêve. Tout cela, ces lieux communs pour asseoir une autorité (légitime ?), une crédibilité, et un côté séduisant sans jamais laisser le choix au spectateur, enfermé dans cette aventure, de voyager ou non avec lui.
Pour autant, malgré cet aspect du film qui m’a totalement gâché la projection, je ne renie pas ses qualités intrinsèques comme une beauté visuelle à tout moment, un rythme qui ne s’essouffle que rarement, des effets particulièrement bien sentis. Nolan n’évite pourtant pas l’écueil des incohérences internes au film, lequel ne reste pas autant cohérent et logique qu’il le prétend. Je me suis amusé à calculer à peu près, selon l’échelle de temps qui nous est relaté au début de film, si le déroulement aux trois niveaux différents de rêves est cohérent. Pas si sûr quand on évalue la chute de la voiture à peu ou prou 5 secondes (en étant large !). D’ailleurs, deux échelles de temps différentes nous sont données, l’une en années, l’autre en minutes, mais il n’y a aucune proportion.
Mais plus que ces incohérences, c’est cette prétention, cette logique de séduction qui veut faire autorité qui me dérange. Il faut savoir s’arrêter, mais Nolan, épris apparemment par son autoproclamé talent et ingéniosité d’imagination, s’est lui-même perdu en cours de route quand il s’agira à la fin de faire des allers-retours entre les niveaux…Absurde, quoique fidèle de bout en bout à la logique instaurée dès le début.