Voici donc le prétendu chef d’œuvre de l’année 2010. Comme d’autres l’ont déjà précisé, si vous n’avez pas accroché à « Inception », on vous dira tout simplement que vous n’avez pas compris, que vous avez mené une vaine tentative d’accéder à l’intelligence supérieure du scénariste. Tocqueville aurait perlé de « tyrannie de l'opinion ». On lit ça et là que ce film repose sur une intrigue totalement maîtrisée ; je dirais au contraire qu’il était impossible de maîtriser un tel scénario, et qu’il faut reprocher à Nolan de l’avoir retenu en l’état. Un bon opus, c’est quelque chose qu’on peut décemment comprendre. Un film élitiste ? Plutôt le nouveau hochet pour faibles d'esprit, un peu raté, plutôt pédant. Dans les tous premiers instants du film, 3 scènes se succèdent en 5 minutes avec les mêmes personnages dans des lieux différents : à peu près la caricature de ce qu’il ne faut pas faire pour accrocher le spectateur. Ken Watanabe – qu’on a vu en meilleure forme – demande à Di Caprio d’altérer la vie d’un homme en le faisant agir selon une idée qu’on lui a inculquée contre son gré. Modifiez la vie d’un homme, violez son intégrité intellectuelle et je réhabiliterai votre existence. Contemporain ? Aucun des membres de l’équipe ne s’interroge sur la légitimité de cette mission, pas même la jeune architecte qui s’offusque pourtant, sans raison particulière, du passé du personnage joué par Di Caprio. D’ailleurs le spectateur ne saura pas pourquoi l’ami Ken veut tant de mal au jeune entrepreneur. Autre point notable : les invraisemblances sont tolérables quand elles ne sont pas pléthore. Ici, hélas, on les collectionne, et chaque fadaise cautionne la suivante, ce qui donne au spectateur un tantinet rationnel le sentiment que l’édifice ne tient pas plus que la maison de brindilles dans les trois petits cochons. On a besoin que la victime dorme 10 heures ? Ça tombe bien : elle va comme par hasard faire un trajet de cette durée en avion. Second problème : il faut qu’il n’y ait pas de passage dans la cabine. Pas d’inquiétudes, le commanditaire de la machination est propriétaire d’une compagnie aérienne depuis peu, qui dessert cette destination et qui a justement un 747 prêt à décoller ! Certes, plusieurs compagnies doivent desservir cette destination, mais on suppose que la cible choisit celle-ci par chance. A propos du rêve, thème principal, on vous explique que celui qui meurt dans son rêve se réveille. Sauf quand le somnifère est trop fort, auquel cas on tombe dans les limbes. Sauf aussi… quand, au moment où le rêveur meurt (dans son rêve), il est défibrillé, ce qui lui permet d’accéder à la troisième strate de rêves. Vous suivez ? Non ? Moi non plus. Autre chose à savoir, si vous n’êtes pas déjà découragé : on ne peut pas passer d’un rêve à un autre, dans une logique de poupées gigognes, si on est en apesanteur dans le premier rêve. Oui, c’est ainsi, vous n’y connaissez rien je vous dis. Pas de problème, je vous mets dans un ascenseur dont je piège les câbles avec du C4 pour créer artificiellement de la pesanteur. C’est pourtant clair, vous n’y aviez pas pensé ! Comment mettre un peu d’action dans un film mou ? Eh bien on va dire que la victime avait suivi un entraînement à la défense contre les voleurs de rêves. Faites pas celui qui n’est pas convaincu, ça aussi ça coule de source. De toute façon l’entraînement est plutôt raté, parce qu’aucun des gardes du corps ou presque ne sait viser. On pense en particulier à la scène dans la neige, interminable et inutile. Le meilleur du meilleur reste l’histoire abracadabrantesque – Jacques quand tu nous tiens - où Di Caprio explique que l’inception, il l’a déjà testée, parce que sa femme était convaincue, de son vivant, qu’un long rêve était la réalité. Comment la persuader que ce n’était qu’un rêve ? En lui instillant l’idée que ce qu’elle vivait n’était pas réel. Il y avait pourtant beaucoup plus simple et moins risqué : la tuer dans le rêve et se suicider après. Sortie du rêve assurée, sans séquelle pour le monde réel. Mais là on simplifiait le film, ça aurait fait moins intelligent pour l’homme de la rue. Vous vous êtes aussi demandé pourquoi un mec qui arrive à faire rêver sur commande exerce ses talents à Mombassa, dans un des pays les plus pauvres du monde, alors qu’il pourrait devenir riche ailleurs ? C’est comme ça. Et puis on ne va pas faire le tour des invraisemblances, parce que sinon on n’a pas fini ! Qu’un coup de fil mette fin à une procédure pénale, c’est aussi très crédible. Je conçois, en faisant un effort, qu’on ait apprécié ce film, mais qu’on me concède que les esprits rationnels n’y trouveront pas leur compte.