Si j’étais mauvais poète, je dirais qu’Inception rime avec déception… en fait, pas tant que ça, car je ne m'attendais pas à mieux, donc je ne suis pas déçu. Oui, le film est une assez grosse merde.
Les vingt premières minutes sont assommantes et découragent d'emblée : confusion et précipitation sont les maîtres mots. Il y a vers le milieu du film un moment où l'on est captivé brièvement, et puis cela retombe lamentablement.
Il faut dire que, sur 2h28 de métrage, il y a une bonne moitié de pan-pan, des fusillades à papa, des explosions en-veux-tu-en-voilà et des écroulements de gratte-ciel, qui veulent exploiter un reste de sensibilité 11-septembrale. De l’« action » donc, histoire de détendre, à échéance régulière, le spectateur. Car le film sollicite un peu trop nos méninges par des hypothèses pas toujours cohérentes ni crédibles, tournant autour de l’idée qu’on peut accéder en groupe à l’inconscient de tout individu, comme si on allait dans un Disneyland. Après tout, pourquoi pas ? C’est fun à la base, mais la bonne idée malheureusement est gâchée.
Tout d’abord, on aurait pu imaginer que les rêves violés soient plus surréalistes, plus sensuels, plus zen – oniriques, quoi. Mais non : à chaque « niveau », il faut de la castagne, car la castagne, on le sait, c’est un beau spectacle et elle convoque un large public, qui ne serait pas content si, pour un billet payé par carte illimitée, il n’était pas servi d’une dose minimale d’armes à feu et de combat.
Certes, on nous fait voyager autour du monde, mais on ne comprend trop pourquoi, sauf à vouloir épater la galerie : Paris, Mombasa, Kyoto, Sydney, la Californie… ça sent quand même le vieux James Bond.
Pour équilibrer cette agitation brouillonne, le tout est nappé d’une bonne grosse musique, qui se la joue « là, on vit quelque chose d’intense », sans laquelle, c’est vrai, la supercherie éclaterait au grand jour.
Touche finale dans cette recette marketing : notre Mall nationale – quel curieux prénom d’ailleurs ! Telle l’Adrian de Rocky, Marion Cotillard est censée apporter une touche indispensable de romantisme préfabriqué au film. Ange ou démon ?, on se fout de la réponse. C’est d’abord un personnage fantomatique, aussi spectral et vide de dimension humaine que tous les autres personnages. On n’attendait pas mieux de Marion Cotillard, qui au moins ne fait pas le faux-pas d’être trop présente à l’écran.
Je signale que les hommes du film semblent tous être coulés dans le même moule : tous affichent des certitudes sans faille, la confiance inébranlable dans leur intelligence suprême et dans leur physique de gars castés pour un film à envergure mondiale. Tous ont un petit excès de testostérone qui les pousse parfois à être taquins, voire un poil agressifs... Tom Hardy est l’archétype même du mec con à la Inception. Tom, si tu me lis, ton accent est incompréhensible, apprends à articuler, il ne suffit pas d’avoir une barbe naissante pour faire carrière au cinéma. Joseph Gordon-Levitt est, lui, très mignon et nage bien dans les couloirs.
Quant à DiCaprio, il fait son boulot ; il mérite sans doute des rôles moins superficiels (je dis ça pour être gentil mais je m'en tape). Au passage, on se demande pourquoi il ne se réveille pas lorsque le van tombe à l’eau : grosse incohérence sans doute acceptée pour faire un clin d’œil au début de l’acteur de Titanic, où déjà il se complaisait dans son inconscience aquatique.
Chaque fois qu’un film est aussi long, on se dit que le montage a dû être un vrai carnage et, dans le cas d’Inception, c’est sans doute le problème principal. Cette histoire aurait mieux convenue à une série d’au moins douze épisodes, qu’à un film dans lequel on essaie de tout caser, comme dans une valise prête à craquer. Sans doute, des éléments de justification qui rendraient l’ensemble plus crédible ont dû être élagués, et certains détails paraîtraient moins arbitraires.
Mais les dés sont jetés : Inception est juste un exercice réussi d’art pompier. Il utilise les ficelles d’un vieux cinéma, et ne crée rien. Il évoque le genre Western pour tout ce qu’il expose de bêtise virile. Il n’a aucune sincérité et beaucoup de prétention.