Ce film est un amoncellement de petites choses, de petites choses que possèdent les vrais gens, ceux qui vivent, ceux qui aiment, ceux qui existent. Cavalier nous fait pénétrer dans l'intimité de son couple avec Françoise qu'il vient de rencontrer, sans jamais être impudique, touchant tout le long avec quelques moments plus joyeux. Pourtant ça a beau être parfois triste, ce n'est jamais pessimiste, c'est un film qui comme la vie, car il est la vie de ces deux personnes est entre les deux, jamais tout à fait triste, jamais tout à fait joyeux non plus et pour cette véracité là il est profondément beau.
Voir cette naïveté, cette façon de se confier sans limite apparente, de s'amuser de rien, avec une réelle tendresse, c'est sans doute une des plus belle chose que j'ai pu voir de ma vie. L'enterrement de cet oiseau mort que Françoise n'a pas voulu sauver de la noyade pour ne pas forcer la nature car il a eu sa chance... Qui a du mal à rentrer dans sa petite boîte qui lui sert de cercueil et qui a été joliment aménagé... c'est absolument sublime. On n'est pas dans une esthétisation idiote, c'est juste vrai. Et c'est la même chose quand vers la fin Cavalier raconte une anecdote sur sa compagne qui a pété, elle toute gênée essaye de l'empêcher de finir son histoire, il continue, tout en filmant le mât d'un bateau au loin... Il n'y a pas plus vrai que ça, que quelqu'un qui essaye vraiment, car réellement gêné et embarrassé de faire en sorte qu'on ne raconte pas l'histoire... Et Cavalier, amoureux et d'une dignité exemplaire qui parle d'un "vent céleste"...
Je ne veux pas tout raconter, je ne veux pas déflorer le film, mais il regorge de séquences absolument merveilleuses, comme le plan sur l'efferalgan effervescent où il dit : "tu me fais fondre, moi qui ne voulais jamais fondre"... Le seul plan que Cavalier trouve abouti de toute sa carrière. Et quel plan... tout en simplicité...
Françoise fait également part de ses craintes vis à vis du film, car si des gens le voit, ça ne sera plus à eux... Je comprends tout à fait, mais quelque part ça aurait été égoïste de ne garder pour soit. De garder ce film où les preuves d'amour se font en s'offrant des cailloux, en filmant en téton qui sort de l'eau... en se massant les pieds tous les soirs... C'est peut-être ça l'amour finalement.
J'aimerai quand même, malgré tout mentionner deux passages que je trouve infiniment beau, en plus des autres déjà cités, celui où Françoise dit qu'elle est contente que sa mère soit morte, car comme ça elle peut rejoindre son père, car les enfants aiment que leurs parents soient ensemble... C'est d'une beauté et d'une tristesse... Ou bien le passage du chat, où Cavalier dit que dans toute sa vie on n'a qu'un seul chat et que le chat qui est mort était le chat de la vie de Françoise...
C'est des petits riens, des petites choses...
Et ces petits riens s'ils ne sont pas intéressants en eux-même, lorsqu'ils sont montrés sans avoir une volonté de paraître "bien", mais juste d'être des petits bouts de vie sans réel égocentrisme, ça finit par parler de la vie de chacun d'entre nous. Et finalement je suis content, parce que la première chose que ma copine m'a offert, c'était deux bouts de gravier... Comme quoi Cavalier et moi on a au moins cette chose en commun. Mais je crois qu'avant de voir ce film je n'avais pas compris l'importance de ces petites choses.
En somme c'est juste sublime et je conseille vraiment (pour une fois) d'acheter le DVD car il y a un livret où Cavalier parle de son film, avec des dessins, une façon de prolonger un peu cette expérience inoubliable.
Je ne sais pas quel Cavalier je préfère entre Irène, le filmeur, Pater (bien que celui-ci soit un peu à part) ou la Rencontre. reste que ce sont des films forts et il faut avoir énormément de courage pour exposer son intimité de la sorte, au public, se mettre à nu... se montrer tel qu'on est... sans fausse modestie... sans narcissisme...
Une démarche artistique dont beaucoup devraient s'inspirer, notamment les vidéastes sur internet qui mettent leurs vie en scène dans des "Vlog" sorte d'extension ultime de la télé réalité et de la vanité... Comme quoi ce n'est pas forcément le procédé qui est mauvais, mais bel et bien la personne qui tient la caméra qui transforme par son intelligence et sa véracité l'insignifiant en beauté absolue...