C’était le temps des livres de prix…
Chacun se débattait contre ses propres démons pour progresser…
Les enfants d’alors, me semble t’il, si ma mémoire ne flanche trop, avaient l’orgueil énorme et incongru de se battre pour les premières places.
Et moi, chaussettes tombantes sur les galoches et short laissant apparaître des genoux cagneux, j’étais un très pâle élève.
Ma petite tête me reléguait après du poêle avec la constante appréciation des professeurs : « Fait son possible… Mais sans espoir ! »
Et l’on attendait la fin de l’année avec impatience pour recevoir son juste lot d’ouvrages et de récompenses…
Les parents en habits des dimanches venaient admirer leurs « chères têtes blondes », lauréates qui de mathématiques, qui de langues diverses et valorisantes (ah, les jeune latinistes de mon époque !), qui de français…
Et moi, le cancre, on m’allouait plus par compassion que pour de réels mérites, un petit livre, qualifié d’accessit, pour mes progrès en gymnastique !
C’est ainsi que j’eus en main l’histoire étrange de ce solitaire obligé, au chapeau monstreux, (les belles images !) : j’ai nommé Robinson Crusoé…
Je déchiffrai les premières pages et fus bien aise…
Le héro était tout aussi peu intéressé par les études que je l’étais à l’époque…
Il rêvait de voyager. Moi aussi !
Du déchiffrement je passais à la dévoration.
Et le bel ouvrage de De Foe fut avalé en un temps si court que ma mère augura, dès cet instant, d’un destin prestigieux pour ma petite personne.
Mes résultats scolaires ne s’améliorèrent toutefois que fort peu !
Quantité de neurones il y a, quantité de neurones il reste !
Mais je devins lecteur…
Et….. voyageur par la magie des mots !
Ce préambule pour dire à quel point ce livre me fut salutaire !
Alors quand j’ai vu « Robinson Crusoe » au programme de ce soir (16/03/2012) j’étais, pour le moins, intrigué…
Et je me suis enquis pour voir s’il n’était possible de le regarder un peu afin d’avoir quelque idée du traitement réservé au classique ouvrage…
Serait ce une version contournée, à la manière de celle qui fut projetée il y a plus d’un dizaine d’année et inspirée du « Vendredi » du Michel Tournier ???
Serait-ce une « Robinsonnade » (style « Les Robinsons suisses ») ???
Sur Youtube je tombais sur le film de ce soir dans son intégralité…
Et c’est ce qui justifie le long commentaire que je vous inflige ici…
Car si l’on s’en tient aux huit critiques laconiques lues sur Allocine, plus une lue sur un blog, cette version serait nulle et non advenue…
Eh bien moi, malgré les nombreux écarts avec l’original, malgré certaines invraisemblances (il n’y a pas de singe en Nouvelle Guinée !), j’y retrouve, presque, mes billes !
Car le propos de G. Miller et R. Hardy s’inscrit tout à fait dans l’esprit du temps de de Foe…
C’est le siècle des lumières n’est-ce pas ?
Et les choix, les modifications qu’apportent les réalisateurs sont d’abord et essentiellement d’ordre philosophique : la relativité des jugements, des mœurs, des perceptions…
C’est exactement le propos du romancier anglais !
Ainsi, peut-on reprocher d’avoir montré un Robinson, revenu de toutes les règles de l’occident, respectueux des mœurs et coutumes de Vendredi ?
Est-ce si convenu que cela, que de montrer que le héro en vient à se poser la question de la colonisation et de l’esclavage (qui fut, quoiqu’on en dise, un génocide immense et qui n’est TOUJOURS pas reconnu comme tel) ?
Non évidemment !
On est, selon moi, très loin d’un mauvais film, sans pourtant devoir mettre aux nues cette production de facture habile, plutôt intelligente mais aussi très conventionnelle cinématographiquement parlant.
Ne seraient ce que les 98 minutes, durée du film, qui démontrent l’asservissement des réalisateurs à des contraintes commerciales…
Le minimum syndical mon cher !
A voir donc…
Une fois ! (C’est mon côté belge qui ressort !
Mais il n’empêche : quand donc verrons nous un Robinson Crusoé digne de l’œuvre originale au cinéma ?