Un monument, une montagne, un géant, un titan, voilà ce que l’on a en tête lorsque l’on ressort, étourdi, assommé, transcendé par Cloud Atlas. Une fois arrivé à son sommet, une fois terrassé, ce Goliath de pellicule se révèle immense, tortueux, nerveux. À la fois complexe et simpliste, terriblement, riche et incroyablement épuré, il pénètre l’esprit et reste gravé dans la mémoire en distillant peu à peu, non pas son message d’interconnexion des âmes humaines plutôt simple à appréhender, mais sa multitude de sous textes, de références cinématographiques, de courants de pensée, de références cosmogoniques et mythologiques [...].
Un film qui arrive à rendre d’une limpidité absolue l’immense complexité de ce qu’il entend raconter, six histoires différentes, mais sibyllinement liées, six histoires chacune d’un genre radicalement différent, du polar, à la SF apocalyptique ou à l’univers de Blade-Runner en passant par la comédie anglaise [...].
Ces multiples liens tissés entre les six histoires du film influent tour à tour sur le futur de protagonistes parfois méconnaissables, les paroles transmises de génération et génération, les réincarnations et renaissances, les choix faits par certains qui se répercutent des centaines d’années après, tout s’imbrique parfaitement dans un montage millimétré qui fait sauter 4 siècles d’un simple plan de caméra dans une seule et même scène [...].
Comme si les humains, même séparés par des siècles de technologie et d’évolution, même s’ils dépérissent sur un bateau au milieu de l’océan ou gravissent une montagne sur une île perdue, faisaient partie d’un même tout, un fleuve tantôt enragé tantôt apaisé, où navigue l’univers et dont même un seul homme aussi insignifiant soit-il et même sa vie achevée peut infléchir le cours, et ce, depuis la nuit des temps [...].
Qu’on le pense sous une multitude d’angles, la réincarnation, les univers parallèles, la destinée, le voyage chamanique de l’âme humaine cher à Jodorowsky et Herbert, la psychogénéalogie, l’éternel retour de Nietzche ou comment mener sa vie de sorte que l’on puisse souhaiter qu’elle se répète éternellement… Cloud Atlas est un film qui donne le vertige, d’un humanisme, d’une bonté, d’une générosité incroyables [...].
Si la répétition un peu naïve du message à plusieurs reprises peut agacer, si chercher à repérer les acteurs sous leurs différents costumes et si le perfectionnisme mis à peaufiner l’œuvre peuvent faire sortir un peu du film tant ils sont ahurissants de perfection, il faut faire abstraction du côté parfaitement fini et se laisser immerger. J’en prends le pari par écrit, que décriée par certains comme Blade-Runner à son époque, l’œuvre de Lana et Andy Wachowski et de Tom Tykwer mûrira dans l’esprit des spectateurs jusqu’à devenir une œuvre culte du cinéma.