Voilà un film comme on en voit peu, Cloud Atlas ne ressemblant à rien d’autre, car aussi ambitieux qu’unique en son genre ; cette adaptation du roman éponyme de David Mitchell, portée à l’écran par un trio prometteur (la fratrie Wachowski et Tom Tykwer), consiste en effet en une succession d’intrigues séparées par des décennies ou plus encore, offrant dès lors une trame des plus alambiquées au premier abord. Pour autant, sans même recourir derechef à un second visionnage salvateur, Cloud Atlas nous marque comme il se doit de par sa profondeur scénaristique, celui-ci érigeant le thème de la réincarnation des âmes en guise de fil directeur ; pris dans son ensemble, le long-métrage s’apparente alors à une lutte continuelle et fluctuante du bien contre le mal (notamment représenté par les personnages d’Hugo Weaving et Hugh Grant), l’amour comme la liberté s’opposant d’âge en âge aux régimes d’oppressions, la cupidité etc. Son propos ne se veut toutefois pas manichéen à proprement parler, ce qui aurait été malvenu en la matière, les personnages étant confrontés à un choix simple : se soustraire ou non à leur destin ; et c’est de ces multiples décisions que l’avenir trouve sa source, qui bien que pessimiste tel que nous le dépeint Cloud Atlas (apogée puis chute de l’humanité), nous emporte au gré d’un récit somme toute aussi fluide que plaisant. Il est par ailleurs foutrement grisant d’entrevoir la portée d’une telle fresque, et bien que le trio Wachowski(s)/Tykwer n’en soit pas de base l’auteur, nul doute que celui-ci était le plus à même de donner vie à cette virtuosité incarnée ; dans cet ordre d’idée, il convient de souligner la présence d’une BO somptueuse, qui convient à merveille aux tonalités oniriques dont recèle l’univers de Cloud Atlas, tandis que les cinéastes se fendent là d’une mise en scène globalement très satisfaisante (à quelques détails près). Le visuel n’est pas en reste quant à lui, qui sans pour autant atteindre des sommets en termes d’effets spéciaux compense largement de par sa photographie grandement soignée, ses costumes et décors irréprochables etc. Ceci étant dit, on ne saurait ne pas aborder le cas d’un casting de haute volée, les interprètes cumulant un nombre impressionnant de rôle divers et variés, cette particularité étant la parfaite application de la réincarnation des âmes ; bien que pas toujours emballé par la prestation d’ensemble fournie par Halle Berry, les prestations respectives des « jeunots » Jim Sturgess et Ben Whishaw sont stupéfiantes, tandis que les expérimentés Tom Hanks et Jim Broadbent crèvent l’écran (liste non exhaustive). Il est de plus plaisant d’assister à une telle valse de protagonistes, car si l’on pouvait craindre face à un tel éclatement de l’intrigue des inégalités de traitement, il n’en est finalement rien, certaines figures se voulant marquantes comme il se doit, tandis que la galerie plus secondaire se veut très efficace en terme d’impact dans le récit. En résumé, Cloud Atlas est un sacré tour de force, cette épopée audacieuse et intelligente étant porté par une réalisation aux petits oignons et une distribution démentielle ; son seul point faible véritable consiste cependant en sa force première, qu’est cette fameuse trame divisée en une myriade de sous-intrigues : bien qu’il faille reconnaître tout le brio inhérent à un tel tableau de l’humanité, le long-métrage connait par instant des coups de mou imputables à certaines époques (celle de 1973 avant tout), et il apparaît que l’intérêt porté à Cloud Atlas puisse varier (sans pour autant devenir inexistant) en fonction de ces dernières. Bref, voilà un ovni cinématographique à ne pas rater, une pépite du genre !