Un vaisseau extraterrestre fait son arrivée sur la terre. Contrairement à tout envahisseur qui se respecte, son imposant bâtiment va stationner non pas au dessus de New-York ou de Washington, mais de …Johannesburg, Afrique du Sud. Plus étonnant encore, pas d’agression directe, pas de triomphalisme planétaire, pas de guerre ouverte. Juste des millions de rescapés extraterrestres apeurés, dont il va bien falloir s’occuper et parquer dans des camps à côté de la ville. Les créatures sont relativement laides et répugnantes, et se reproduisent assez vite. Après 20 ans, la coexistence est de plus en plus difficile…
Le parti pris de mise en scène est résolument documentaire, un comble pour un film de science fiction. Le réalisateur fabrique des reportages télé, des images de caméra de surveillance, des flash-infos et des interviews de « spécialistes » pour nous entrainer dans son histoire. Le procédé n’est pas forcément nouveau (déjà vu dans Cloverfield par exemple), mais il n’a jamais été déployé avec une telle maitrise et une telle efficacité, en particulier au service d’un film de SF. C’est très simple, on en arrive à croire l’histoire, à suivre les personnages et à vraiment vivre le récit, pourtant peuplé de créatures improbables et d’armes assez inédites. Et ce n’est pas la moindre des performances du film : on est dans un premier temps répugnés par ces bestioles, puis on se prend à trembler avec elles, à avoir mal pour elles et même à souhaiter que le sort soit meilleur que celui des humains qui les accueillent. Le scénario ne se cantonne pas à créer un monde et une ambiance, il nous entraîne tambour battant à l’intérieur de ce District 9, au travers des yeux d’un employé de la compagnie qui gère le camp, et dont les aventures vont changer ses certitudes et sa vision. Ca pourrait être prévisible et gnangnan, c’est époustouflant à chaque seconde, et même parfois chargé d’émotion comme lorsque de cette dernière image. Si la première partie est dans le constat et la description, la suite réserve son lot de surprises et son quota de séquences d’action particulièrement réussies.
La présence de Peter Jakson à la production n’est pas un hasard, le réalisateur Neill Blomkamp semble avoir naturellement hérité des mêmes talents que son illustre aîné : une maitrise technique bluffante, une science du rythme et du montage incroyable, et la capacité de mêler de manière totalement fluide la culture geek et le film grand public, le tout dans une œuvre qui se permet de nous faire réfléchir. Originaire d’Afrique du Sud, le réalisateur n’a pas choisi ce lieu au hasard. Les images des camps, des expulsions, de ces brigades privées qui ont le droit de vie et de mort sur leurs « protégés » : tout ça nous rappelle l’Apartheid bien sur, mais aussi ces images que l’on voit d’Irak, de Palestine et même de la seconde guerre mondiale. On retourne ici aux bases de la science fiction : utiliser un univers et une réalité déformée pour nous faire réfléchir sur notre univers et notre réalité. Et la finesse de District 9 vaut tous les films bulldozers sur l’Irak que les USA ont balancé récemment.
Pour un premier long métrage, Neill Blomkamp réalise donc un véritable coup de maître. Le jeune homme a les influences les plus nobles (John Carpenter et David Cronenberg pour les plus évidentes) et il n’hésite pas à les recycler avec intelligence et respect. Il s’agit probablement d’un futur classique, dont le succès aux US va donner à son auteur les coudées franches pour la suite. Excellente nouvelle.
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