Le film est adapté du (8e) roman éponyme (1933) de Fanny HURST (1889-1968) et dont il existe aussi une première version cinématographique (1934) de John Stahl (1886-1950). Le générique défile au son de la chanson éponyme, interprétée par Earl GRANT (1931-1970) dont le style fait penser à celui de Nat King Cole (1919-1965). Le film, qui se déroule à New-York, entre 1947 et 1958, est centré sur 5 personnages : Lora Meredith (Lana TURNER), comédienne, veuve (d’un metteur en scène de théâtre), élevant seule sa fille Susie, Annie Johnson (Juanita MOORE, afro-américaine baptiste, qui élève, seule aussi, sa fille, Sarah Jane, métisse et qui n’accepte pas la couleur de peau de sa mère et Steve Archer, photographe (John GAVIN, son 2e film avec Sirk). Un superbe mélodrame, toujours aussi émouvant plus de 30 ans après l’avoir vu à la télévision. Le scénario bien construit permet d’aborder plusieurs thèmes : la difficulté d’être parent, surtout quand le père manque (
absences répétées de Lora, poussant sa fille vers Annie, gouvernante et mère de substitution, rejet par Sarah Jane de son ascendance noire, même si elle est métisse au teint clair
), l’ambition (de Lora, prête à tout pour réussir au cinéma et au théâtre et film miroir de la vie privée de Lana Turner, 7 fois mariée, sans compter ses nombreuses liaisons dans le monde du cinéma), le refus d’être soi (Sarah Jane), le racisme qui ne dit pas son nom (
Annie priée de quitter les lieux fréquentés par des Blancs, licenciement de Sarah Jane dès connaissance de ses origines afro-américaines
) et finalement l’insatisfaction des personnages, aliénés par une vie rêvée mais qu’ils ne vivent pas vraiment, demeurant des personnages seuls et malheureux (
Steve Archer, amoureux depuis le début de Lora, reste célibataire et ne réussit pas à l’épouser, tout en restant aveugle à l’amour que lui porte Susie, Annie, souffrant du rejet de sa fille, égoïste et cruelle, mais maladroite en créant des situations renforçant ce rejet
). Très belle scène finale
des obsèques d’Annie, selon son testament : corbillard tiré par 4 chevaux blancs et gospel, « Trouble of the world », chanté par Mahalia JACKSON (1911-1972)
. Sans oublier la superbe photographie de Russel METTY [qui a collaboré à 10 films de Sirk mais aussi avec d’autres grands réalisateurs comme Howard Hawks, Orson Welles, John Huston, Stanley Kubrick (oscar pour « Spartacus » (1960)], tant pour les extérieurs que les intérieurs, travail précurseur de celui de Pedro Almodóvar, grand créateur lui aussi de mélodrames.