Il a fallu quatre ans à Peter Strickland pour finaliser son film. Il explique les obstacles qu'il a rencontré : " En 2001, jai hérité de 30 000 euros après le décès de mon oncle. J'ai cru que cela suffirait à financer mon premier film, alors qu'il aurait fallu 200 000 euros pour tourner en Roumanie. J'ai donc préféré attendre un moment plus propice. La pré production a finalement commencé en avril 2004, le tournage s'est très bien passé mais la post production a été cauchemardesque : je n'avais plus assez d'argent pour payer le monteur et je ne trouvais pas de diffuseur intéressé. En 2007 j'ai tout lâché, je me suis trouvé un boulot normal et je suis retourné vivre en Angleterre...chez ma mère. (...) Pendant huit mois, aucun miracle ne s'est produit. Jusqu'à ce que deux producteurs m'appellent et me proposent un financement. J'ai pu achever la post production en décembre 2008.
Pour le rôle principal, Peter Strickland a engagé Hilda Peter , une actrice alors totalement inconnue du public. Le cinéaste explique que c'est un choix totalement délibéré de sa part. D'abord parce qu'il n'avait pas les moyens de se payer une star, et que de toute façon, même s'il en avait eu les moyens nécessaires, il aurait quand même engagé une actrice inconnue. Pour lui, c'est un parfait moyen pour surprendre le spectateur et d'attiser sa curiosité.
Toute la violence du film est suggérer en hors champs. En effet, Peter Strickland est covaincu que " montrer le moins a un plus grand impact. C'est une manière de rendre le spectateur responsable, de l'obliger à être actif. " Le cinéaste s'est rendu compte que les paroles peuvent avoir un pouvoir plus effrayant que les images grâce à une expérience personnelle : " Je me souviens que dans les années 90, l'éclatement de l'ancienne Yougoslavie a fait surgir des images atroces que l'on regardait à la télévision, lors du dîner en famille. Plus tard, j'ai rencontré quelqu'un de Sarajevo qui avait vécu cette guerre et qui m'en a raconté des épisodes personnels. J'en ai fait des cauchemars : sa parole avait été cent fois plus prégnante que n'importe quelle image. "
Katalin Varga a remporté un remporté un Ours d'Argent pour le son lors du Festival du Film de Berlin. Et ce n'est pas un hasard puisque Peter Strickland a accordé beaucoup d'importance à la bande sonore de son film. La musique est pour lui une source d'inspiration, et il fait d'ailleurs lui-même partie d'un groupe nommé The Sonic Catering Band. Avec Katalin Varga, il a essayé d'utiliser le son de manière originale : " Lorsque vous prenez un film qui se déroule à la campagne, les sons d'ambiance sont relégués au second plan. Dans Katalin Varga, ils sont mis en avant, parfois de manière agressive, parfois associés à la musique, à tel point que la frontière entre celle-ci et les effets sonores finit par être abolie. Cela renforce l'aspect brumeux, presque iréel, du périple que vivent Katalin et son fils. "
Le réalisateur Peter Strickland n'a pas fait d'études cinématographiques mais des études aux Beaux Arts. Selon lui, ce sont les cours de théâtre et les courts-métrages qu'il a réalisé dans sa jeunesse qui lui ont permi d'acquérir l'expérience nécessaire pour passer au cinéma. " J'ai beaucoup appris sur la direction d'acteurs en jouant moi-même des rôles dans les pièces et en dirigeant ma propre adaptation de La métamorphose de Kafka. J'ai également fait de nombreuses erreurs stupides en réalisant mes courts-métrages, c'est ce qui m'a permis permis d'avancer. "
Avec Katalina Varga, Peter Strickland réalise là son premier long métrage. Pourtant, cela fait maintenant 20 ans qu'il est un fervent cinéphile. Et le cinéaste se souvient exactement à quand remonte son choc cinématographique : le samedi 10 février 1990 au cinéma de Londres Scala, aujourd'hui disparu. Il assista à la projection de Eraserhead de David Lynch, un film qui changea à jamais sa vie. C'est à partir de ce jour qu'il essaya de se rendre le plus souvent possible dans les salles obscurs, n'hésitant pas à sécher les cours afin de découvrir Rainer Werner Fassbinder, Jean Cocteau, Luis Buñuel, Andrei Tarkovsky...
" Pour Katalin Varga, j'ai cherché à développer les thèmes traditionnels que sont la vengeance et la redemption. Les crimes commis par vengeance font partis de ceux compréhensibles par tout le monde ". Pour développer le thème de la rédemption, le cinéaste a souhaité créer un personnage coupable d'un crime horrible, et de le présenter aux spectateurs comme quelqu'un de très aimable, doux et romantique. Car selon lui, " la notion de gentil et de méchant n'a pas de sens. Tous les méchants sont sûrement gentils aux yeux de quelqu'un ".
Le film a été tourné en Roumanie, pourtant ce n'est pas vraiment un choix délibéré du réalisateur. Il n'a pas voulu s'intéressé spécialement à la condition de la Roumanie ou les relations éthniques entre les roumains et les hongrois. Pour lui, le fait de tourner dans un pays étranger pouvait apporter une touche supplémentaire au film. Car tout ce qui tourne autour de ce long-métrage rejoint cette notion d'être " étranger " : le personnage de Katalin, le fait que le réalisateur soit anglais, et le fait que toute l'équipe s'est battue pour faire ce film hors de l'industire cinématographique, avec leurs propres moyens.