Ça débute comme un film de copains, léger, détendu. Asghar Farhadi en profite pour montrer une classe moyenne iranienne en voie d'occidentalisation, à travers quelques détails : voitures, vêtements et accessoires, loisirs et jeux... Puis tout bascule dans le drame. Un drame qui fait émerger des tabous et des préjugés : tout un fond de culture et de tradition qui gouverne encore les pensées et qui, d'une certaine façon, les entrave. La disparition d'Elly et les révélations sur son histoire font jaillir des questions sur la liberté et l'honneur, sur la réelle condition de la femme en Iran, entre une modernité, une libéralisation, apparentes, et une tradition sous-jacente, toujours bien ancrée et pesante.
Le cinéaste s'appuie sur un scénario intelligent et habile, qui cultive l'incertitude sur ce qui est arrivé à Elly (s'est-elle noyée ? est-elle partie de son propre chef, en douce ?), tout en distillant des infos, vérités et mensonges, qui troublent les consciences et mettent à mal les liens sociaux. Farhadi développe une grande tension psychologique autour d'enjeux vitaux et moraux, et répond, par la même occasion, à un enjeu cinématographique : comment filmer l'absence ? Le réalisateur opte pour une caméra très mobile, souvent à l'épaule, qui épouse les mouvements des uns et des autres, afin de mieux saisir ce que cette absence génère : agitation, confusion, tourment.
Dramatiquement fort, réalisé et interprété avec un engagement très convaincant, ce film impose une voix et un style nouveaux, venus d'Iran. C'est l'émergence d'un cinéaste bien inscrit dans son temps, qui confirmera deux ans plus tard avec un autre film à résonance sociale, Une Séparation, encore plus complexe, encore plus intéressant.