La longue traversée du désert de Johnny Depp prendrait-elle fin avec l’arrivée de ce film de gangster ? Genre qui lui réussit plutôt bien, comptant à son actif le Public Enemies de l’excellent Michael Mann, Donnie Brasco, dans lequel il partageait l’affiche avec Al Pacino ou encore Blow s’inspirant d’un des plus célèbres cocaïnomanes américain, George Jung.
Black Mass ou Strictly Criminal (titre assez grossier), troisième réalisation de Scott Cooper, acteur et réalisateur indépendant américain qui a notamment permis à Jeff Bridges de décrocher l’oscar pour son merveilleux Crazy Heart, choisi à nouveau un acteur « has been » (en la personne de Depp) pour interpréter son personnage principal.
Le film a effectivement fait parler de lui très vite grâce à cet atout de taille. Tout Hollywood y allait de son petit commentaire, vantant cette résurrection d’un de ses enfants prodiges qui semblait, depuis un petit temps, ne plus rien pouvoir proposer de mieux qu’un jeu caricatural voir pastiché.
Evidemment, qui dit Johnny Depp, dit transformation physique et il faut dire que le résultat est juste bluffant. Abonné aux styles bouffons, gothiques et excentriques qu’il doit notamment aux nombreuses collaborations avec Tim Burton, l’acteur américain est une nouvelle fois méconnaissable, même si il arbore ici un style aux antipodes de ses précédentes métamorphoses.
Enlaidit, crâne dégarnie et jaunie, yeux bleus glaçants et reptiliens, Depp campe un prédateur au sang-froid et obnubilé par une soif de pouvoir sans limite. De ce James « Whitey » Bulger, l’acteur en tire toute l’ambigüité, jouant sans cesse sur la corde raide de la folie douce et l’animosité schizothymique. Le côté psychotique et schizophrénique de Bulger est parfaitement retranscrit par les différentes mimiques d’un Johnny Depp au sommet qu’on avait rarement vu aussi impliqué dans un rôle.
Si son acteur principal est autant mis en avant durant toute la campagne marketing, c’est que très souvent, le film n’est pas à la hauteur. Black Mass sous ses airs de film pseudo-scorsésien reste un film honnête, souffrant d’un manque évident d’ambitions. Le nouveau Cooper rentre facilement dans le cahier des charges des « mafia movies » sans grande prétention, regorgeant d’absolument tous les codes du genre.
Jusqu’à la chute de son anti-héro, Black Mass reste efficace cela va sans dire. Le film est découpé proprement, brassant l’historique à coup de montages alternés et de voix-off, le minimum syndical pour deux agréables heures en compagnie du plus grand criminel de Boston. Un South Boston qui est d’ailleurs sublimement imagé par une photographie très rétro, dont la cartographie exhibe une certaine réalité du milieu (ville à la fois gangrenée par le crime organisé mais fière de continuer à porter en estime ses valeurs et sa diversité).
Un film sympathique qui, néanmoins, propose une histoire pour le coup assez délirante (dressant, d’ailleurs, un portrait peu flatteur du FBI et des forces de l’ordre, perverties et corrompues jusqu’à l’os) qui serait certainement, sans la présence de Johnny « Sparrow » Depp, passée inaperçue !